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« Quand je vais être adulte, je vais vous dire au revoir et je vais habiter dans une autre maison. »
Crédit: Louis Blythe/Unsplash

Vous avez connu les pubs de lait nostalgiques? Celles diffusées il y a plus ou moins 15 ans reprenant les grands classiques de la chanson française? Je crois que c’est là que j’ai entendu pour la première fois Ma mère chantait toujours. J’aimais beaucoup le refrain, la mélodie, cette idée de transmission intergénérationnelle.

Récemment, je fredonné cet air à ma fille de 4 ans à l’heure du dodo : « Ma mère chantait toujours, lalala, une chanson d’amour, que je te chante à mon tour. Cocotte tu grandiras, et puis tu t’en iras, mais un beau jour, tu la chanteras, à ton tour, en souvenir de moi ». Ma cocotte est devenue les yeux pleins d’eau. Elle était émue. « Je sens plein d’amour dans mon cœur avec la chanson maman. » Cette chanson l’a habitée. Elle a posé plusieurs questions sur ce qui se passe quand on grandit, elle a formulé des inquiétudes : « Est-ce que je vais pouvoir venir vous visiter quand je vais être adulte? » Ces moments étaient chargés émotionnellement et on a pris le temps d’y répondre.

Ce matin, avec cocotte, on faisait « un déjeuner pyjama », comme le personnage du livre qu’on avait lu la veille. Elle a soigneusement fait son lit, mis la nappe, et on a déjeuné en discutant. Elle m’a chanté une chanson qu’elle a apprise et qu’elle est allée chanter à des personnes âgées dans un foyer près de la garderie avec son groupe. Nous avons discuté de ces personnes âgées, que certaines recevaient peu de visite et qu’elles étaient souvent seules. J’ai proposé l’idée d’aller rendre visite à ces personnes parfois, car nous aussi notre famille est loin. Elle était d’accord.

« Est-ce que grand-maman a déménagé? »

« Non ma cocotte. »

« … Maman? Moi, quand je vais être une adulte, je vais vous dire au revoir et je vais aller habiter dans une autre maison. »

Nous avons eu cette discussion à plusieurs reprises, mais ce matin, ces quelques mots me sont allés droit au cœur. Une boule d’émotions m’a envahie. J’avais les yeux pleins d’eau. Je n’étais pas capable d’identifier c’était des larmes de quoi.

« Pourquoi tu fais cette face-là maman? », demande cocotte, avec les yeux pleins d’eau, inquiète de me voir pleurer.

« … Je ne sais pas ma cocotte. Je vis plein d’émotions. C’est vrai que lorsque tu seras adulte, tu iras habiter dans une autre maison… Mais ce n’est pas pour tout de suite… »

Je me sentais coupable de lui dire « Ce n’est pas pour tout de suite ». Je n’avais pas envie qu’elle croie qu’elle ne pourrait pas partir et qu’elle devait rester pour éviter de me rendre triste.

« Quand tu seras grande et que tu seras prête ma belle, tu partiras habiter dans ta maison. »

Je peinais à lui nommer ces mots sans pleurer.

« Maman? Est-ce que je vais pouvoir venir vous visiter? »

« Oui ma cocotte. Tu pourras venir quand tu veux. »

J’étais déchirée entre mon désir de poursuivre cet échange face à elle pour soutenir l’idée que c’était correct d’être ensemble, dans l’amour et d’avoir une distance et mon désir fusionnel de la serrer fort dans mes bras pour essayer de « faire un » avec elle encore un peu.

Qu’est-ce qui me mettait autant à l’envers? Puis, j’ai réalisé que c’était ces mots « je vais vous dire au revoir ». C’était cette idée qu’on allait avoir ce moment où on saurait que c’est la fin de quelque chose et le début d’une autre. Que ce moment de transition allait exister. Qu’on se verrait moins. Pas parce qu’une de nous sera morte. Pas parce qu’on ne s’aimera plus. Parce que le cycle de la vie est fait d’aurevoirs. Parce que les fins ne se terminent pas toujours par une coupure sèche. Elles sont parfois pleines de douceur et d’aller-retour sains. Je regardais ce petit bout de femme tolérer l’idée que ça allait arriver. Elle n’était pas heureuse. Elle n’était pas réellement triste. Elle était là, à évoquer une vérité. Une vérité que, vraisemblablement, je vivais beaucoup moins sereinement qu’elle.

On le sait. Tout le monde le sait. Les fins, ça fait partie de la vie. On parle de l’avant et de l’après. Mais du pendant? Pendant la fin? On essaye de se faire croire qu’on n’a pas vraiment de problème avec les fins… On escamote la dernière case pour passer tout de suite à l’étape suivante.

Les fins font peur. Mais les fins font partie du cycle de la vie. Et c’est ce que ma cocotte me disait ce matin, qu’elle tolère cette idée cruelle qu’on perd un peu pour gagner autre chose.

Que c’est ça vivre. Ouf!

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