Mes parents ont cru bon de m’envoyer à l’école privée pendant mon secondaire. J’ai passé cinq longues années vêtue d’un uniforme drabe décliné sous les tons de gris et de bleu marin dont le port était régi par une demi-douzaine de règlements. Règlements qui, pour la plupart, ne concernaient que les filles.

Dans mon illustre collège, les chemises étaient blanches, informes et surtout transparentes. Mes amies et moi, on allait flâner à la Place Versailles les samedis après-midi. C’était le temps béni des 6 brassières pour 20 $ à La Senza.  À la gang, on a fini par se monter toute une collection. On couvrait le spectre de l’arc-en-ciel et on rockait les imprimés outrageux (vive les années 90!).


Crédit : Giphy

Au début, c’était un jeu. Puis d’autres filles ont embarqué. Nos brassières — hyper visibles sous notre blouse horrible — sont devenues un pied de nez au conformisme étouffant du milieu dans lequel on évoluait. Ça a duré un temps, avant que nous soyons toutes convoquées par le directeur du niveau. Il nous sommait de nous vêtir aux couleurs de l’école, sous-vêtements inclus, parce qu’on « dérangeait ».

Si je parle de ça, c’est que je me sens vraiment interpellée par les revendications des filles du Pensionnat du Saint-Nom-de-Marie qui ont manifesté leur appui envers une de leur camarade, renvoyée chez elle cette semaine parce qu’elle ne portait pas de soutien-gorge. En fait, je suis outrée. Outrée qu’en 2018, nos filles aient encore à grandir dans des environnements scolaires qui les sexualisent.


Crédit : Giphy

Je suis outrée que des gens bien pensants puissent prétendre que de porter une brassière devrait être obligatoire. Que c’est une question de respect envers les autres, de bienséance, voire d’esthétisme. Et que celles qui n’en portent pas le feraient uniquement dans le but de provoquer ou de séduire leurs camarades de classe, ou pire, leurs profs!

Guess what? Une brassière, c’est crissement inconfortable! C’est un vêtement imposé par une norme culturelle, sous prétexte qu’un sein libre sous un chandail est disgracieux ou offensant. C’est le produit d’une société de consommation qui fait des millions de dollars de profit avec ces élastiques, ces agrafes et ces dentelles et qui conforte les bonnes gens dans leur sacro-sainte peur du mamelon. Que ce soit à l’école, au travail ou ailleurs, en porter ou non devrait être une décision personnelle.
 


Crédit : Giphy

Tant mieux si nos jeunes filles remettent (encore!) son port en question. Tant mieux si elles se braquent et revendiquent leur souveraineté sur leur corps, le droit d’étudier sans être jugées selon leur habillement et l’égalité avec leurs confrères dont les écarts vestimentaires ne feront jamais les manchettes.

Quand on impose un code vestimentaire trop contraignant à une jeune étudiante, on lui rappelle qu’elle est avant tout un eye-candy. Que son premier rôle dans la société est d’être une distraction pour les hommes, un objet sexuel. Que ses seins, son corps, son image ne lui appartiennent pas vraiment. Quand on renvoie une fillette du primaire chez elle parce qu’elle porte une camisole spaghetti, on la sexualise. On lui inculque que l’émotion suscitée par sa tenue est plus importante que ce qu’elle apprend.

Je crois qu’il est plus que temps qu’il y ait une véritable révolution féministe dans nos écoles. Qu’elles cessent de s’attarder au corps des jeunes filles pour mettre en place des milieux bienveillants où les notions de respect de soi et d’égalité des sexes ne se résumeront pas à une bretelle trop fine ou à un bonnet de dentelle.