Accueillir des enfants dans nos vies et les accompagner dans leur éducation, ça nous ramène à toutes sortes de réflexions sur notre propre enfance.

Je regarde mes filles grandir, leur identité et leurs goûts se préciser. Elles me renvoient à mes propres réflexions à leur âge. L’une d’entre elles qui me revient souvent ces temps-ci est le questionnement sur mon genre.
 

L’été de mes cinq ans.
Crédit : Johanne Lachance

Dans les années 1980, aucun concept n’existait pour les enfants qui n’entraient pas dans le moule binaire des genres sociaux attribués arbitrairement. Il y avait des garçons en pantalons ou des filles aux cheveux longs.

Puis je me revois, à cinq ans, demander à ma mère des cheveux courts comme mon frère. À dix ans, argumenter ardemment pour qu’on m’accorde le rôle du prophète Jérémie dans la reconstitution théâtrale de la scène de la nativité de l’église le 24 décembre. « Je suis tout aussi apte que n’importe quel garçon », que je leur ai dit. Mon féminisme ne date pas d’hier.

À 16 ans, faire de même avec un rôle masculin majeur dans la pièce de théâtre de la polyvalente. J’ai d’ailleurs passé mon secondaire à ressentir intérieurement que j’étais probablement une femme, mais réaliser que je ne fittais pas de l’extérieur. « Un peu comme tout le monde à l’adolescence », je pensais alors.

Fallait aussi voir la gueule de mes amis la première fois que j’ai porté une robe en secondaire 4. Maintenant, je comprends que je recevais des compliments entre autres parce que je performais ce qui était attendu de mon genre. Les normes sociales sont sécurisantes pour tout le monde, en apparence.

Ce ne sont que quelques exemples, mais ces questionnements m’ont fait douter de moi et de ma valeur de nombreuses fois. Le fameux « suis-je normale? » ou « quelle est mon identité? », « comment s'exprime-t-elle? »

Quand je rencontre des adolescent.e.s d’aujourd’hui qui contestent la binarité, remettre en cause la dimension fixe et accepter la fluidité de l’identité de genre, ça me fait un grand bien!

Ces jeunes se revendiquent non-binaires ou queer, transgenres, nomades dans le genre ou préfèrent volontairement ne pas le préciser. L’écriture inclusive leur donne des ailes et les médias sociaux une voix. Pro-choix, plusieurs sont épris.e.s d’égalité et interrogent les stéréotypes de la société en réclamant des mesures concrètes qui s’adaptent à une plus grande diversité.

Je ne sais pas quelle identité aurait revendiquée la jeune Johanne de l’époque si elle avait pu avoir accès à ces réflexions au-delà de son éducation stéréotypée. Mais je suis pleine d’espoir pour mes filles qui auront des outils LGBTQIA2+ pour décider elles-mêmes qui elles sont, dans le genre que leurs parents leur a attribué ou non.

NDA : Je m’exprime à partir d’une position de privilèges en ne souhaitant pas recentrer les expériences, les enjeux de reconnaissance, les difficultés, les oppressions et les violences vécus par les personnes LGBTQ2A+ sur mon histoire personnelle, mais rendre compte solidairement de l’espoir qu’apportent ces luttes collectives et ces revendications identitaires pour les prochaines générations.