L’autre jour, j’ai lu qu’on pouvait ressentir des effets proches du syndrome post-traumatique en suivant l’actualité. On peut même faire un genre de burn-out d’actualité. Ça en vient à nous fatiguer extrêmement et à peser lourd sur nos épaules. C’est pas pour rien que beaucoup de personnes ayant vécu des épisodes traumatiques demandent à mettre la mention TW (trigger warning) avant un partage sur Facebook ou avant la publication d’un texte. En plus, ça ne coûte rien à faire donc je suis vraiment pour.
J’ai donc suivi avec beaucoup d’émotions les articles sur ce père qui a laissé son enfant en hypothermie et debout pendant des heures pour qu’elle finisse ses choux de Bruxelles. Juste que là, c’était dur de lire ça parce que j’ai vécu de la violence pis sans expliquer ma vie de long en large, j’ai souvent vécu des conséquences extrêmes pour des gestes anodins. Je n’en ferai pas la liste ici, mais j’ai appris à ne plus minimiser les gestes violents que j’ai vécus.
Quand on a vécu de la violence donc, c’est difficile de s’en détacher. C’est difficile de se dire un paquet d’affaires, comme par exemple que notre droit d’exister et d’être heureux.se ne repose pas sur une série d’actes qu’on n’a pas la force de comprendre plus jeune. C’est ben ben plate, mais il y a toujours et il y aura toujours des souvenirs qui viendront en flash-back et qu’il faut prendre le temps de déconstruire pour les comprendre et espérer les oublier.
Quand j’ai lu le texte qui dit être de la mère de la fille aux choux de Bruxelles, j’ai eu un extrême malaise. Surtout avec ce paragraphe repris dans La Presse :
« Malgré tout ce que mes filles ont vécu cette nuit-là, leur père sera toujours leur père, qu’on le veuille ou non, fait valoir le texte. Mes filles vont probablement toujours l’aimer, le respecter et lui être loyales, peu importe ce que l’opinion publique veut qu’il en soit. Et ça, il faut savoir l’accepter sinon on crée encore plus de souffrance qu’il y en a déjà. J’aurais voulu que ça n’arrive jamais, j’aurais voulu me sauver loin avec elles pour les protéger, mais la vie est ainsi faite que nous n’avons pas le contrôle sur tout et qu’il faut l’accepter. »
En fait, j’ai envie de lui dire que non. Les filles n’auront sûrement pas toujours envie de lui être loyales. Je connais un paquet de filles qui ont arrêté de parler à leur père pour se libérer de la violence qu’il leur avait infligée. Ces filles, ce sont des personnes courageuses qui ont décidé de se choisir avant d’aller vers des idées préconçues comme « ça restera toujours ton père ». Vous voyez, moi, j’ai fait le choix d’arrêter de parler à mon père et ça m’a libérée. Je ne me suis jamais sentie aussi bien.
La vie n’est pas ainsi faite, Madame, non. La preuve, il y a eu des actions contre cette personne d’une violence sans nom. Cette personne a assumé des conséquences. On n’a pas à accepter ce que l’on vit de façon passive. Ça non, on n’est quand même plus à l’époque de Maurice Duplessis, quand même. On a le droit de se sortir de ce réflexe judéo-chrétien là.
Ces petites filles devront se reconstruire, reconstruire leur personnalité, passer l’état du deuil de la famille parfaite, retravailler leur confiance en l’autorité, elles devront vivre avec les conséquences énormes d’une enfance vécue dans la violence. Elles devront faire des petits deuils chaque fois qu’une personne publie que le plus fort, c’est leur père en disant que elles non.
La meilleure chose quand on est l’autre parent, c’est de ne surtout pas excuser le comportement de l’autre. C’est d’accompagner ses enfants pour leur dire que ce n’est pas de leur faute et de leur faire comprendre qu’elles n’ont pas à subir ça. Qu’elles n’ont pas à subir une situation parce qu’elles sont liées par le sang. Et qu’elles ont le droit d’être heureuses. Pis que c’est pas normal, la violence. Pas quand on aime ses enfants.
Et comme je veux pas augmenter mes chances de faire un burn-out d’actualité, il me semble que je préférerais lire sur des ressources d’aide ou la marche à suivre si une personne de mon entourage a ce genre de comportements violents. Pour faire un signalement, le numéro à Montréal est juste ici : 514-896-3100.