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La petite histoire d’Adèle

Je m’appelle Adèle. Mes parents adoraient ce nom et m’ont fait l’honneur de me le donner. Ils adorent aussi m’appeler : « Dada ». Je suis entourée d’amour. Je suis la petite fille la plus aimée et gâtée du monde. Je pèse 7lbs6 et je mesure 52 cm. J’ai de très longs pieds, de très longues jambes ainsi qu’une grosse baboune de bébé dodu. Je ressemble à mon grand frère quand il était bébé et j’ai les mains de ma grand-maman Mamilou.
Pourtant, mon parcours n’est pas celui d’un petit bébé normal. Mes yeux, personne ne les verront. Ils resteront fermés pour toujours. Je ne ferai jamais aller mes petits pieds dans les airs en regardant mon mobile dans la belle chambre couleur corail avec des petits animaux de mer que ma famille m’a préparé. Je ne pourrai mettre tous les vêtements qu’ils m’ont offerts lors du shower de bébé.  Je ne pourrai pas me réconforter tous les jours dans les bras de ma maman et de mon papa. C’est que, durant mon accouchement, durant ce jour du 18 janvier 2018, qui était censé être le plus beau de ma vie, quelque chose s’est passé. Ma maman dit que, dans ma maison qu’était son bedon, mon petit cœur n’a pas tenu le coup durant les contractions. Je suis donc partie vers le ciel, comme ça, à la ligne d’arrivée.
Voici un petit peu de mon histoire.

Mon papa et ma maman s’aiment vraiment beaucoup et, après avoir établi une belle vie commune, ils ont décidé de fonder une petite famille ensemble. Le 12 mai 2017, ils découvraient avec bonheur et excitation le beau petit + sur un petit bâton. C’était de l’inconnu pour ma maman! Enfin, un petit être allait grandir dans son bedon. Enfin, elle allait pouvoir devenir une maman, à son tour. Mon papa était déjà le papa de mon grand frère, mais était totalement excité de l’être à nouveau. Tout le long des 9 beaux mois passés dans la bedaine de ma maman, j’ai pu montrer beaucoup de ma personnalité. J’adorais la musique! À chaque fois que j’en entendais, je gigotais. Ça tombait bien, car Maman est enseignante de musique. Elle disait que je dansais dans sa bedaine. Je donnais toujours des coups de pieds dans le côté gauche. Le soir, mon papa jouait avec moi. Il essayait d’attraper mes petits pieds. J’adorais ce jeu. Mon papa était très bon! Il arrivait toujours à les attraper. C’était notre petit rituel d’avant dodo, ce moment où j’étais collée, d’une certaine façon, entre mon papa et ma maman. Ils avaient tellement hâte à mon arrivée. Mon grand frère aussi. Il voulait déjà me lire des histoires. Il est bon, mon grand frère, en lecture. Il est en première année, mais sait lire des livres en faisant les voix des personnages. Je ne pouvais pas lui dire, mais j’aimais bien ça, l’entendre. Souvent, il me faisait un colleux à travers la bedaine de ma maman.

Le 18 janvier, dans la nuit, ma maman a commencé à avoir ses premières contractions. J’avais maintenant 39 semaines et 4 jours dans son bedon,  j’étais donc prête à venir au monde. Mes parents étaient excités. Nous avons vécu le début du travail ensemble, tous les trois, dans le lit de mes parents, attendant que les contractions soient plus rapprochées avant d’aller à l’hôpital.  Mon papa et ma maman riaient beaucoup. Je pouvais sentir leur joie et leur excitation d’enfin pouvoir me rencontrer très bientôt. Et moi, je me laissais porter par tout ce qui se passait et j’ai commencé à faire mon beau dodo… doucement.

Arrivés à l’hôpital, avec la coquille et la valise, tout heureux, on installe mes parents dans une chambre. Ma maman est extrêmement heureuse malgré la grosse douleur des contractions. Elle dit à mon papa : « Je me demande vraiment comment elle va pleurer, notre Doudoune! » en entendant les autres bébés pleurer dans les autres chambres.
Une gentille infirmière est venue pour entendre mon cœur avec le monitoring. Mais, ce fut long, très long, TROP long. Elle est repartie et est revenue avec une autre machine, celle d’echo … et elle a cherché encore, encore et encore. Il se passait quelque chose. Le medecin est arrivé et a annoncé la pire des nouvelles à mes parents, cette nouvelle qui les hantera pour toujours : mon petit cœur ne battait plus. Il ne battait plus depuis peu de temps.

Sur le coup, ma maman a crié, crié mon nom très fort. Elle voulait probablement me ramener à elle, me réveiller de mon gros dodo, mais j’étais déjà partie rejoindre les étoiles. J’avais pris un autre chemin qui n’était malheureusement pas celui des bras de mes parents.
Je pouvais ressentir la peine, la détresse et l’incompréhension de mes parents. Comment est-ce possible, à la fin d’une grossesse comme cela, qu’un petit bébé meurt ?
Le travail étant déjà commencé, je devais quitter mon petit nid qu’est le bedon de ma maman, ce lieu où nous avons tant partagé, elle et moi.
Mes parents savaient, à partir de maintenant, que je ne pousserai jamais de premier cri. Je ne pleurerai pas lorsque nous nous rencontrerons.
Ils se sont accrochés l’un à l’autre, très fort, sous le choc et ont avancé tête première dans cet accouchement qui ne prenait pas les mêmes allures qu’espéré.
J’ai montré le bout de mon petit nez à 16h31. Je suis arrivée doucement et calmement. Ma maman m’a accueilli immédiatement dans ses bras. J’étais la plus belle des petites filles, une petite poupée qui dort.

Mon papa m’a amoureusement donné mon bain, il était tellement bon! Il a de l’expérience, mon Papa d’amour! Ma maman m’a habillée du petit ensemble fleuri rose qu’elle avait si hâte de me voir porter. J’ai eu la chance de rencontrer plusieurs membres de ma famille qui m’attendaient avec tant d’impatience, mais qui étaient totalement sous le choc de la tournure des évènements. Ils sont venus me voir, pour la première, mais aussi la dernière fois. Ma marraine photographe a pris de belles photos de moi ainsi qu’un photographe de la fondation « Portraits d’étincelles ». Il est si important d’immortaliser ces moments d’amour!

Je suis restée dans les bras de mon papa et de ma maman toute la nuit, blottis tous les trois ensemble, profitant de chaque petite minute, chaque petite seconde. J’étais si bien dans la chaleur de leurs bras. C’était les seuls moments de toute une vie qu’on a rêvé pour moi. C’était les plus beaux moments d’amour. Je leur ai fait le plus beau cadeau du monde : je suis restée une belle petite poupée de chiffon toute la nuit.

Le 19 janvier, à 7h11 du matin, j’ai donné assez de courage et de force à mes parents pour me laisser partir dans les bras d’une infirmière, emmitouflée dans une belle doudou étoilée, avec mon beau pyjama de fraises. Ils ont dû ensuite quitter l’hôpital, transportant une coquille vide et une petite valise de vêtements de bébé qui n’aura jamais servi. La tête bourrée de souvenirs et le cœur anéanti par la peine de la perte d’un bébé, ils allaient rentrer à la maison qui était toute prête pour mon arrivée, les bras vides, sans moi.

Aujourd’hui, près de 9 mois se sont passés depuis mon départ. Mes parents s’habituent peu à peu à mon absence, essayant de rebâtir leur vie autrement. Ils savent, avec le recul, que je suis là, mais, de manière différente. Je suis présentement à la « Garderie des Étoiles », ce lieu où les petits bébés comme moi sommes enterrés dans la région. Ma pierre arborant mon joli nom est constamment entourée de belles décorations roses que tante Sissi m’apporte! Je suis toujours aussi gâtée!

Le 18 janvier 2018 reste quand même la plus belle journée de la vie de ma maman, malgré le drame. Elle dit que j’ai fait d’elle une « MAMAN », une maman bien spéciale, qui aura de gros défis à relever, ceux que procure le deuil périnatal. Elle y arrivera avec le temps. Je lui donnerai la force, malgré l’absence de réponses concrètes de mon décès ; mon cas restera toujours un mystère.

Ils sont forts, mes parents, ils ne se sont jamais autant aimés, autant eu besoin l’un de l’autre. Certains jours sont plus difficiles, la peine de mon absence peut surgir à tout moment. Il n’y a pas une journée où ils ne pensent pas à moi. Tantôt, avec beaucoup de peine et de tristesse de ne pas me voir grandir, tantôt avec optimisme, car ils sont en mesure d’apprécier les moments de bonheur que je leur envoie, du haut de mon arc-en-ciel! Je serai toujours avec eux et avec mon grand frère qui regarde maintenant les étoiles dans le ciel autrement.  
Je m’appelle Adèle et je suis maintenant la plus belle des Étoiles.

En cette journée mondiale de la sensibilisation au Deuil Périnatal, s’il vous plaît, prenez un petit moment pour envoyer de l’amour aux parents qui ont perdu un petit bébé. Car la peine d’un parent ne se mesure pas au temps passé avec son bébé (autant en nombre de semaines de grossesse ou de journées vécues), mais bien à la grandeur des rêves qu’ils avaient pour lui! N’oubliez pas que ces parents passeront leur vie à se demander ce qu’aurait été la vie de leur petit bébé parti trop tôt.

 

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