J’ai de la chance : chez nous, l’heure des repas n’a jamais été synonyme de combat. Oui, Coco et Bout d’Chou traversent bien des phases où un aliment précédemment accepté devient leur ennemi personnel, mais dans l’ensemble, je sers, ils mangent, c’est fini. Sushis, quinoa, légumineuses, salades, tofu... tout disparaît invariablement dans le bedon de mes rejetons. 
 


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Ah, comme j’ai tenu cet état des choses pour acquis.

Cet été, la première rentrée scolaire de Coco approchant, j’ai dressé une liste d’idées pour ses lunchs. C’est Coco lui-même qui m’a énuméré tous les légumes à y inscrire. Les options étaient innombrables, j’étais prête. C’est dans une zénitude absolue que j’ai préparé le tout premier lunch de l’année scolaire. Oh, j’avais raison d’être confiante : j’étais réellement prête à préparer cinq lunchs nutritifs et variés par semaine. Ce que je n’avais pas prévu, c’est que, à la fin de la journée, ce beau lunch préparé avec tant d’amour au terme de tant de préparation, Coco me le rapporterait pratiquement intact. Ce lunch-là, et le suivant. Et encore le suivant. Et l’autre d’après.

Je venais d’entrer dans un monde dont j’ignorais tout : le monde des « caprices » alimentaires. Un monde où le yogourt sent mauvais. Où les bleuets sont trop mous, les poires trop poquées, les ananas trop juteux. Où les bananes sont trop brunes et les pêches trop rouges près du noyau. Où le fromage à la crème ne goûte plus le fromage à la crème à moins d'être envoyé dans un contenant séparé. Un monde, croyez-moi, qui prend solidement de court quand ça fait cinq ans que le contenu des assiettes se volatilise avant qu'on ait le temps de crier « risotto ». Un à un, tous les légumes sur la liste dressée au mois d’août ont été rayés. « Je n’aime plus ça » est devenu la phrase prononcée le plus fréquemment à la maison. Au moins, la nouvelle aversion de Coco pour les fromages à effilocher, qui sentent mauvais eux aussi depuis septembre 2018, nous a permis de réduire nos achats de produits suremballés. 
 


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Mais qui est cet enfant? Je me pose parfois la question lorsque je cherche de l’inspiration pour le lunch du lendemain. De l’inspiration que je cherche en vain puisque les règles ne me permettent aucune fantaisie : des légumes? Coco accepte la salade César ou... non, rien, il n’accepte que la salade César. Des fruits? J’ai le choix entre pommes, raisins, melon d’eau et cantaloup. Le yogourt doit être dans un format « à boire » et exempt de tout diabolique morceau de fruit, même microscopique. Quant aux craquelins, la seule forme géométrique autorisée est le carré.

Au moins, le concombre que Coco refuse de manger à l'école, il l'avale sans broncher à la maison. J’ai donc espoir qu’il ait simplement besoin de temps pour s'habituer à la texture qu’ont les aliments lorsqu'ils ne sortent pas directement du frigo. Je me permets encore de croire que je finirai par retrouver mon garçon qui avale n'importe quoi, n'importe comment. 

En attendant, je fais de la salade César par barriques.
 


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