L’école et les enfants qui dépassent

Je suis assise dans le corridor. Ma fille voit un orthopédagogue un samedi sur deux. Les autres samedis, elle a son cours de karaté. Elle préfère (et de loin) les samedis où elle enfile son kimono et sa ceinture orange. Ça prend pas la tête à Papineau pour comprendre pourquoi. 
 
Ma fille est normale. Ma fille est parfaite. Mais voyez-vous, ma fille ne cadre pas parfaitement dans le mini carré où on aimerait la circonscrire à l’école. La courbe de développement de ma fille d’amour est un peu plus inspirée d’une ride de montagne russe que la moyenne.
 
Mais ma fille à l’imaginaire débordant et à l’énergie flamboyante est de loin, la personne la plus persévérante que je connaisse. Malgré les samedis où elle se tape une heure de lecture, de voyelles et de consonnes avec Monsieur Carl, elle garde le sourire et son sens de l’humour si unique.
 
C’est bizarre de devoir faire rentrer son enfant si vite dans une case. À l’école, on a beau me répéter qu’il n’y a rien qui cloche avec ma fille, qu’elle comprend tout et réussi à suivre comme tous les autres élèves de sa classe, qu’y-a-t-il donc avec mon enfant?
 
TDAH? Avec ou pas de H?
 
Dyslexie?
 
Allouette?
 
Et pendant que notre nom monte lentement sur la liste des services publics pour une évaluation avec une neuropsy, Monsieur Carl me propose de couper cour vers le privé si mes assurances me le permettent. 
 
Et mon cœur se serre. Au fin fond de moi, je refuse. Au fin fond de moi j’ai mal.
 
Ma fille est normale. Ma fille est parfaite.
 
Je ne peux m’empêcher de penser que c’est notre système scolaire qui n’a pas les ressources pour tenir compte de tous ceux qui dépassent. Et si ma fille apprenait mieux son alphabet en jouant au ballon? Et si elle était plus encline à faire une heure de lecture, après deux à courir à en perdre haleine dans la cour d’école? So what?
 
Pourquoi donc y-a-t-il une seule façon de gaver nos enfants de savoir durant leur parcours scolaire? Ce parcours qui on le sait bien, forge le citoyen qu’ils deviendront demain?
 
Sommes-nous à ce point fermés pour passer toute la jeunesse dans le même tuyau pour en produire la même chair à saucisse?
 
Il faut croire que oui.