C'est l’été… je suis en visite chez ma meilleure amie. Il y a un festival multiculturel dans sa ville. On se promène entre les étals garnis des babioles du monde entier quand mon bébé de six mois se met à pleurer. Je me penche sur la poussette lorsqu'une femme à côté de moi me lance cette phrase aussi naïve qu'assassine.

« Oh! Vous êtes sa grand-mère??? »


Crédit : Giphy

J'ai eu la vingtaine bohème. Je n'aimais que voyager. J'ai donc passé ces précieuses années de jeunesse à papillonner, d’un endroit à l'autre, d’un bras à l'autre.

J'avais 32 ans au moment où j'ai rencontré celui avec qui j'aurais envie de fonder ce qu’on appelle une famille. On a pris notre temps. On a voyagé - encore - et on s'est aimés passionnément jusqu’à ce que cet amour déborde et s'agrandisse assez pour s'incarner dans une petite frimousse, puis une autre.

Ce qui fait que j'ai célébré mes 40 ans en allaitant un bébé de 8 mois.
 


Crédit : Echo Grid/Unsplash
 

Il y a quelque chose d’intense dans le fait de passer le cap de la quarantaine en étant en post-partum. Les cheveux noirs tombent alors que les blancs repoussent. Les nuits agitées semblent s'imprimer toujours plus profondément dans les traits, sans espoir de retour en arrière. Le corps en entier ralentit sa course.

J'aimerais pouvoir dire que je suis au-dessus de ces considérations, mais je ne le suis pas. Je vis comme les autres dans cette société qui valorise la jeunesse et la vitalité et qui demande aux femmes - surtout - de ne pas montrer qu'elles vieillissent. Alors parfois, j'ai honte.

De façon théorique, je pourrais effectivement être la grand-mère de mes enfants. Mon parcours a fait en sorte que la maternité s'est pointée plus tardivement dans mon histoire et je n'ai aucun regret. J'ai juste l'impression que nous avons collectivement le couperet facile pour les femmes qui divergent du fameux 25-35 ans.

Les plus jeunes se font taxer d'irresponsables. Les plus âgées doivent essuyer des remarques de tout acabit sur le fait « qu'elles les ont eu tard » en plus de se faire donner du « madame » à tout vents et de risquer de perdre toute forme de légitimité sociale ou sexuelle. C’est sans parler d'un certain âgisme de la part des professionnels de la santé qui effectuent leur suivi de grossesse.

Les vieilles jeunes mamans, en plus de devoir performer dans leur nouveau rôle, vivent également la pression sociale du « Look the part ». Cacher les ravages du manque de sommeil sur la peau et la silhouette, tenir la forme, être une MILF au mieux, comme toutes ces vedettes qui accouchent à 45 ans. Mais surtout, surtout, ne pas faire son âge. Faudrait pas qu'on nous prenne pour la grand-mère de nos enfants, t'sais!


Crédit : Jessica To'oto'o/Unsplash

Je ne sais pas comment naviguer dans cet océan sans me ruiner en sérums anti-âge miraculeux. Alors j'essaie de garder le cap. De sourire dans les groupes de « jeunes » mamans. De ne pas me ruer chez le coiffeur pour faire disparaître ces fils argentés qui trahissent le nombre d'années que j'ai au compteur. D’aimer et d'honorer mon corps tel qu'il est. D'accueillir l'expérience.

Je me dis que mes enfants ont la chance d'avoir une maman qui est comme une rivière apaisée. Elle a beaucoup de vécu, des trésors de patience et elle est passée par-dessus son FOMO pour célébrer l'instant présent. J'espère que cette profondeur et cette bienveillance compenseront pour les rides sur mon front. Et que mes enfants, peu importe, seront fiers de tout l'amour qu'ils auront reçu de leur « vieille mère ».