Elle est présente dans nos vies depuis une dizaine d’années, et sa compagnie est somme toute désagréable. Pas dangereuse, pas perturbante, juste plate. Un peu comme un voisin qui manquerait de savoir-vivre sans être toutefois offensant. Tu ne le portes pas dans ton cœur, mais tu le côtoies pareil.
Aux premières éruptions spontanées (et assez impressionnantes) sur le minuscule corps de mon enfant, j’ai été prise de panique. J’ai consulté un médecin, qui m’a envoyé en consulter un autre, qui m’a envoyé en consulter un autre, etc. Elle a passé de nombreux tests durant les premières années de sa vie. Prises de sang, tests d’allergie, dermatologue, endocrinologue. Tous m’ont confirmé que tout fonctionnait normalement dans le corps de ma fille.
Il y avait bien un petit quelque chose avec son système immunitaire, qui semblait être toujours en alerte maximale. Et ces médecins surveillaient l’état de la situation, tout en me rassurant. Après des années de suivis, ils ont estimé que tout était rentré dans l’ordre. On m’a dit vers ses 6 ans que je n’avais plus à me présenter à l’hôpital pour ses prises de sang semestrielles, à moins que la situation n’évolue autrement.
Mais les rashs, bien que moins fulgurants et intenses, n’ont pas pour autant disparu. J’ai appris à être plus calme lorsque je trouvais de mystérieuses plaques sur le corps de ma fille. Si par le passé elles m’occasionnaient de la panique, maintenant je dédramatise tout en gardant bien à l’oeil l’évolution de cette nouvelle éruption. Et malgré les nombreux conseils reçus de partout (pas de bains trop chauds, crème hydratante spéciale sans parfum, détergent doux, vêtements de fibres naturelles pas trop ajustés), elle ne nous a jamais quittés. Et j’ai nommé Madame Urticaire.
Ma fille a un rhume, elle a le dos plaqué. Ma fille a un examen qui la stresse un brin, ses bras deviennent parsemés de minuscules boutons rouges. Ma fille a mangé un aliment un peu acide, le tour de sa bouche et son menton se colorent de tâches rosées. Ma fille a passé l’après-midi à l’extérieur au grand air de janvier, ses joues resteront vives et sèches pour le reste de la journée. Ma fille prend un peu trop de soleil début juin, ses oreilles se transforment en chou-fleur. Ma fille porte un vêtement lavé avec un nouveau détergent, elle se grattera toute la journée.
Et je ne vous parle même pas du chauffage. Pour rire, elle dit qu’elle a une peau de crocodile de novembre à avril.
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Mon médecin m’avait dit dès le début que c’était probablement juste sa peau qui était très fragile. On a tout de même fait vérification d’un paquet de choses avant de revenir à la case départ : urticaire chronique. Je lui avais demandé ce qui pouvait occasionner ces irruptions cutanées qui semblaient n’avoir aucun lien entre elles. J’avais beau noter ce qu’elle mangeait, portait, faisait de particulier ainsi que l’état de sa peau, il ne semblait y avoir aucune logique. Encore aujourd’hui, ce qui la fait réagir plus fortement ne se produira pas la semaine suivante, alors que les conditions seront sensiblement les mêmes.
Le médecin m’a répondu qu’une multitude de facteurs pouvait en être la cause, dont l’anxiété. À cette époque, j’avais trouvé la chose étrange : qu’est-ce qui pouvait tant angoisser une petite fille de deux ans, choyée et aimée de tous?
L’avenir me démontra que ma fille est effectivement de nature anxieuse. Toute nouvelle situation ou toute surprise ne sont pas nécessairement positives pour elle. J’imagine son système immunitaire, à l’image de sa personnalité, qui tend à réagir vivement au changement, une petite plaque rouge à la fois.
Et moi, j’apprends à être zen pour deux.