« Une mère », cette chanson de Lynda Lemay, je suis incapable de l’écouter sans pleurer toutes les larmes de mon corps. Elle a joué, il y a quelques jours, et on dirait que c’était pire que jamais. Que la chanson a pris un tout autre sens.
Depuis que je suis maman, je parle beaucoup de maternité, celle que moi je vis. J’ai rarement, voire très peu, parlé de ma mère. Elle qui me sert de modèle. Elle qui m’inspire. Elle qui me conseille, me réconforte. La personne la plus importante, la femme de ma vie.
Si je parle d’elle aujourd’hui, c’est parce que j’ai peur de la perdre. J’ai déjà eu peur de la perdre deux fois. Parce que deux fois, le cancer est venu se loger chez elle. Dans ses seins. La première fois, en 1998, j’avais 9 ans. Tu sais que ta maman est malade. On t’explique pas tout, parce que tu es une enfant et que c’est compliqué ces choses-là. Tu vois ta mère faiblir, perdre ses cheveux. Les gens viennent souvent, pour aider. Tu manques de l’école pour aller la voir à son dernier traitement. Puis, elle guérit.
16 années ont passé avant que le cancer revienne la gruger à nouveau. Cette fois-là, j’avais 25 ans. Là, j’ai tout compris. La publicité où la famille est projetée sur le dos, encaissant le choc de la nouvelle, c’est pas mal l’effet que ça fait. Tu pleures toutes les larmes de ton corps. Tu trouves ça injuste. On a compris, au fils des mois, que ma mère était porteuse du gène BRCA-1. Un tout petit gène, mais lourd de sens. Et de conséquences. Ma mère, a pris tout ce qu’elle avait de force et de courage et, à 54 ans, a décidé de tout faire enlever. Les seins, les ovaires. Elle a décidé, après les doutes et l’envie de tout abandonner, de rester en vie. De mettre toutes les chances de son côté.
Alors, quand on a su, il y a pas tout à fait un mois, qu’un 3e cancer, l’œsophage cette fois, avait pris naissance en elle, je peux pas vous dire la dévastation qui s’est affligée sur nous. Notre petite famille s’est fait projeter, comme l’annonce du 2e, mais cette fois, avec toute la lourdeur du monde qui fait qu’on n’arrive pas à se relever.
On se fait énormément répéter, mon père, ma sœur et moi, de rester positif. De s’accrocher. Et je sais que les encouragements qu’on reçoit viennent des meilleures intentions du monde.
La vérité, c’est que c’est plus que difficile. On passe par un vrai rollercoaster d’émotions.
J’arrive pas encore à extérioriser la colère que je ressens. L’effet d’injustice que ce soit encore MA mère qui traverse tout ça. La maladie, ça court dans notre famille. J’aurais donc voulu que celui, il y a cinq ans, soit le dernier.
Les pronostics ne sont pas très positifs. Le cancer est avancé. Difficile à guérir. Ma mère est atterrée. Qui ne le serait pas? 20 ans sur 58 à se battre contre le cancer. On ne peut pas s’empêcher de se demander « Pourquoi elle? Encore! »
Je sais combien la vie est fragile. Je sais combien il faut savoir profiter des moments, que ça passe si vite. Que les beaux moments deviennent souvenirs très rapidement. Mais la maladie ramène toujours la réflexion. Celle que j’évite d’avoir. Que je préfère ne pas imaginer. Celle de la perdre. Elle.
Je suis pas prête. Je suis pas prête à lui dire au revoir.
Je sais pas si on peut vraiment l’être. Mais je peux pas m’empêcher d’y penser. Et seigneur que ça fait mal. Je voudrais le prendre son cancer. Lui donner un break. La laisser profiter de la vie. Elle qui le mérite tellement. Mais tellement.
Elle est forte, ma maman. Elle a décidé de se battre. Encore. Ce sera son plus gros et difficile combat des trois. Ce sera long. Ardu. Mais elle nous a, nous. Sa famille. On va continuer de chérir les moments, avant qu’ils deviennent souvenirs. On va s’aimer. Se le dire. Aussi souvent que possible. On va s’accrocher. S’armer de patience, de douceur autant que possible, et de force. Surtout de force.
Pour essayer de l’aider à ce qu’elle reste avec nous, encore quelques années.
Encore une fois, Lynda Lemay chantait « Le plus fort, c’est mon père ».
Moi, la plus forte, c’est ma maman d’amour!