Je ne sais pas comment le dire. Est-ce que je n'ai pas réussi à compléter le congé parental? Est-ce que mon mari est venu à ma rescousse? Est-ce qu'on a juste fait ce qu'il fallait et qu'à chaque parent son aventure? Je ne sais pas.

Ce que je sais, c'est que j'avais quand même mis la barre haute : continuer mes activités et mon doctorat pendant la première année avec mon bébé. Je m'autorisais un rythme ralenti, mais voulais tout continuer quand même. Mais c'était sans compter que la vie m'enverrait le modèle «Empereur 2018». Un être absolument charmant, mignon, touchant, mais ô combien caractériel. Il a pris entière possession de moi : ma tête, mon corps, mon temps. Prendre une douche était devenu un luxe. Manger un repas sans allaiter à la fois, une mission impossible. Impossible de le déposer dans une poussette, une couchette, une chaise transat, sur le plancher, sur le divan et même, dans les bras de son papa. Il exigeait mes bras, que mes bras TOUT LE TEMPS. Ses huit premiers mois, il les a passé 22h sur 24 collés à moi, jour et nuit. J'étais son unique et servile sujet.

Mon mari, lui, a poursuivi son travail de jour et ses activités de soir. C'est normal et pour tout vous dire, c'est parfait. De toute façon, dès qu'il prenait son bébé, il se transformait en machine de guerre à ultrason. 

Mais l'hiver a été long et glissant. Du haut de mon troisième de triplex, les sorties (nécessairement en porte-bébé) sont devenues de plus en plus dangereuses. Alors je restais à la maison, à faire des longueurs d'appartement avec mon bébé dans les bras. Et ça, ce n'est pas bon pour mon moral du tout. J'en suis venue à perdre toute motivation. Complètement lasse, j'avais l'impression de plus parvenir à ne rien faire, de ne plus prendre soin de mon bébé adéquatement, de ne plus le stimuler. Au bout de trois mois de neige glacée, au bord de la crise de nerfs, je nous ai magasiné un voyage à New York pour me sortir de ma torpeur. Mais quand j'ai proposé le plan pendant le souper, mon mari n'a pas compris. 

« Pourquoi donc voudrais-tu qu'on fasse ce voyage? »

Je suis restée calme, mais je suffoquais à l'intérieur. Il n'avait aucune idée de ce que je vivais, lui pour qui la vie avait continué comme avant. Il ne pouvait pas comprendre dans quel état d'esprit je me trouvais. Il ne parvenait pas à saisir en quoi c'était si dur. Et ce n'était pas de sa faute.

Je pense que la parentalité est, par définition, inéquitable. 

Ce soir-là, il devait à nouveau quitter la maison après le souper. À son retour, il m'a proposé de terminer le congé parental. De prendre les deux derniers mois pour que je puisse reprendre le cours de mon doctorat, me refaire une santé mentale et physique. Pour que je puisse vivre un peu.

Depuis, il est à la maison et je pense que nous y avons tous gagné. Moi, la première, sans doute, mais lui aussi, puisse que sa relation avec son fils est nettement meilleure. Notre fils a maintenant un parent ultra motivé à le stimuler, le faire marcher, lui faire faire des piles de cubes, des sons d'animaux et lire des livres.

Et puis j'ai le sentiment d'être comprise. Parce qu'il faut le dire, mon mari ne trouve pas ça toujours facile. Le temps est parfois long, les exigences de l'Empereur, souvent démesurées. En mon for intérieur, je suis vraiment contente qu'il vive un peu de l'expérience du congé parental. Pas comme une vengeance, mais comme une solidarité.