Quand j’étais enceinte de mon premier enfant, j’avais croisé une connaissance (une amie d’amie) qui m’avait raconté que tous les soirs elle chantait une chanson de Noël à ses enfants pour les endormir. On était en plein mois de juillet et j’étais comme « No way. Ceci est inacceptable ».

Du haut de ma grande inexpérience, j’étais absolument dubitative : pourquoi, mais pourquoi accepter de chanter des cantiques des fêtes en plein été? Qui choisit de se faire subir ça? Pourquoi se plier à de tels caprices? Impossible pour moi de comprendre. « Cette personne n’a vraiment aucun self-respect », que je m’étais dit, la jugeant sans retenue (il faut dire qu’à l’époque, j’appréciais très peu les chansons de Noël). En tout cas, moi, je n’allais jamais faire ça. Jamais, ô grand jamais, je n’accepterais de chanter des chansons de Noël à mes enfants à l’extérieur de la période qui va du 6 décembre au 6 janvier.

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Ça fait que, ben c’est ça. On est le 7 mai, et hier soir, j’ai encore une fois chanté Petit Papa Noël à mon fils pour l’endormir. J’ai fait le calcul, et c’était très exactement le 150èmesoir de suite que je la lui chantais. Cent. Cinquante. Fois. Comptant que ma version de la chanson dure à peu près 2 minutes, c’est environ 5 heures de ma vie qui ont été consacrées jusqu’à maintenant à cette mélodie inintéressante aux paroles pas très pertinentes (avant de fermer leurs paupièèères, font une dernière prièèère). 5 heures! What the f**k is wrong with me?

À l’époque, la promesse que je m’étais faite à moi-même de ne jamais chanter des chansons de Noël à l’extérieur de la période des fêtes s’ajoutait à une longue liste de choses que je m’engageais à ne jamais faire quand j’allais devenir parent. Genre, jamais je n’allais devenir cette personne qui ne semble avoir aucun autre sujet de conversation que ses enfants. Ou bien, jamais je n’accepterais que ma fille, si j’en avais une, porte des robes rose bonbon avec des boucles, des froufrous et des messages en anglais écrits dessus. Jamais mes enfants ne deviendraient des bibittes à sucre, parce qu’ils seraient en fait très rarement en contact avec des sucreries. Aussi, j’allais bien évidemment maintenir une vie sociale active, j’allais amener mes enfants partout dans des soirées, j’allais être indépendante, et libre, et épanouie à l’intérieur comme à l’extérieur de la maison. Jamais je ne serais cette mère soumise aux quatre volontés de ses enfants, surtout pas en ce qui a trait à leurs choix de berceuse pré-dodo!

Ah, ces bons vœux pieux! Croyez-moi, ce n’était pas par méchanceté ou par mauvaise foi que je me permettais une telle intransigeance dans mon modèle idéal de parentalité, mais c’était plutôt par naïveté.

Car bien évidemment, l’expérience bien réelle la parentalité m’a changée. Ben ouais, je suis devenue mère, je suis tombé en amour avec mes enfants, et j’ai appris à pratiquer activement le lâcher-prise. Surtout, face à la réalité de mon quotidien, mes idées préconçues sur comment agir en tant que parent ont pris le bord. Mes convictions ont changé, peut-être qu’elles se sont adoucies, mais en tout cas, je me suis adaptée, et j’ai changé d’avis sur le sens à donner à une chanson de Noël fredonnée à mon enfant en plein mois de mai. Après tout, n’est-ce pas là une merveilleuse preuve d’amour ?

Ça fait que chaque soir, quand mon fils interrompt immanquablement la chanson de mon répertoire favori que je suis en train de lui chanter pour me demander de sa petite voix endormie « Petit papa Noël », je m’arrête, reprends mon souffle, et c’est avec une tendresse infinie que je me mets à chantonner « C’est la belle nuit de Noël, la neige étend son manteau blanc, et les yeux tournés vers le ciel à genou les petits enfants… ».