Mes enfants fréquentent une garderie privée en installation située à deux coins de rue de la maison. Cette garderie est dirigée par deux québécoises originaires du Maroc, brillantes et aimantes, qui ont étudié au certificat en éducation à la petite enfance à leur arrivée au Québec, il y a près de 15 ans. Elles sont des moms comme vous et moi, de bonnes gestionnaires, et je suis toujours impressionnée par leur fine compréhension de la psychologie enfantine. Elles sont musulmanes et elles portent le hijab, comme d’autres éducatrices de la garderie.

Elles portent le voile, et vous savez quoi, ça me va. Je dirais même que je suis heureuse que des femmes qui portent le voile, des femmes différentes de moi, participent à l’éducation de mes enfants. Dans le débat qui a lieu actuellement autour du projet de loi sur la « laïcité » au Québec (dont j’ai déjà parlé ici et ici), je suis toujours surprise d’entendre des personnes défendre l’idée qu’on ne devrait pas permettre aux enseignant.e.s de porter des signes religieux sous prétexte qu’ils et elles devraient se présenter de façon neutre devant les enfants. Pourquoi tient-on à ce que l’on soit tous et toutes pareil.le.s? Pourquoi est-ce que l’expression de la diversité de croyances nous fait tant peur? Pourquoi devrait-on restreindre la liberté de certains individus appartenant à des groupes déjà minorisés pour qu’ils se conforment à la volonté de la majorité qui détient déjà le pouvoir?

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Pour moi, l’expérience du contact avec la diversité (culturelle, de genre, ou de croyance) représente une merveilleuse occasion d’apprentissage. C’est une manière de prendre conscience très concrètement qu’on est tou.te.s différent.e.s, et que malgré ces différences, nous sommes capables de nous parler, de faire des projets ensemble, de coopérer. Ça nous fait constater que malgré nos différences, on a beaucoup en commun : que ce soit le sens de l’humour, l’amour du voyage, le souci pour l’environnement, les valeurs de partage et d’inclusion…

Ça permet aussi de diversifier les modèles qu’on offre aux enfants dans la construction de qui ils et elles veulent devenir. En étant en présence de plusieurs visions du monde, ça leur fournit des outils pour développer leur empathie envers les autres, pour choisir leurs propres croyances, et pour construire leur identité, qui sera à la fois unique et partagée, et jamais tout à fait fixe.

Aussi, je trouve qu’on a tendance, dans certains discours qui animent le débat actuel, à sous-estimer la réflexivité et l’esprit critique des personnes qui portent des signes religieux (pis ça les déshumanise, si vous voulez mon avis). Ces personnes qui choisissent d’exposer leurs croyances, elles ne sont pas moins intelligentes ou moins sensibles que vous et moi. Comme la plupart des gens, elles sont dévouées à leur travail, elles veulent bien le faire, et cherchent à être reconnues pour leurs bons coups. Elles catchent la game, elles aussi : elles respectent les croyances des autres, et comprennent ce que c’est le devoir de réserve et le professionnalisme.

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Un jour, j’ai demandé à ma fille si elle savait pourquoi certaines éducatrices de sa garderie portent des foulards sur leurs cheveux. Elle m’a répondu : « Mon éducatrice, c’est parce qu’elle n’aime pas ça se coiffer le matin ». J’ai ri. Ne voulant pas aborder la question religieuse avec les petits, cette éducatrice l’avait esquivée, arborant un clin d’œil malicieux. Je lui en avais reparlé par la suite, précisant que ça ne me dérangeait pas qu’elle parle de sa religion ouvertement, et elle avait dit qu’elle préférait nous laisser à nous, les parents, le soin d’aborder la religion à notre façon avec nos enfants. C’était par délicatesse, et par pudeur.

Je pense qu’on peut se faire confiance, aussi, qu’on va être capable de transmettre nos valeurs, notre culture, et notre esprit critique à nos enfants. Qu’ils et elles vont même être meilleur.e.s que nous, grâce au vivre-ensemble qu’iels auront expérimenté.

Avant de publier cet article, j’ai demandé à une des directrices de notre garderie si elle était à l’aise que je parle de mon expérience avec elles sur le blog. Je lui ai dit : « Ce serait un article qui explique pourquoi je suis heureuse que des femmes qui portent le voile éduquent mes enfants ». Elle a hoché la tête, silencieuse. J’ai alors remarqué les larmes qui mouillaient ses yeux. « Ça me va droit au cœur », qu’elle m’a dit, retenant un sanglot. Puis, on s’est fait une immense accolade, une de celles qui, sans qu’un mot ne soit prononcé, dit pourtant : « Je te vois. Merci d’être là. Tu es ici chez toi ».

Pour une alternative plus juste et non-discriminatoire au projet de loi 21, consultez cette proposition.