Novembre 2013. J’ai un petit bébé dans les bras et je suis en train de faire le deuil d’un allaitement qui n’aura jamais fonctionné, de la pression que les gens mettent sur le corps des femmes ayant eu un enfant, du deuil du sommeil qui aurait aidé ma santé mentale, du deuil de se rendre compte que quand on est vocable sur nos demandes d’aide, on ouvre la porte au jugement des autres femmes parce qu’elle, elle n’aurait jamais fait ça comme ça.

Je suis étudiante, femme d’affaires, j’ai pas de congé de maternité, mes parents sont en train de divorcer. Je suis sur le bord de craquer parce que je trouve ça beaucoup, la maternité et le reste. Ma belle mère va me chercher Les Tranchées de Fanny Britt que je lis dans mon bain pas adapté du tout pour lire un essai de 100 pages quand on a la concentration d’un poisson rouge. Ça me souffle. C’est tellement ça. J’apprends que je suis en tabarnak. Je comprends des choses avec des mots qui sont aussi justes que difficiles. Je pleure pendant une heure dans un bain froid tout ce que je traîne dans mon corps et ma tête depuis tout ce temps.

Dire que Les Tranchées a marqué ma vie, c’est m’avouer aussi que le discours de la maternité avait besoin de ça pour passer au travers de ce qui allait suivre.

Quand je repense à mes presque 6 années de mère, je trouve que tout ça est beaucoup, surtout dans le contexte social dans lequel on nage toute la gang.

Fanny Britt a le talent de trouver les mots pour parler de choses qui nous touchent tout en ayant une sensibilité et une vulnérabilité qui vient me chercher. Je comprends dans ses écrits ses bons côtés de mères, mais aussi cette vulnérabilité dont elle ne se cache pas et son sens critique sur les aspects de la parentalité. Ses réflexions font du sens, vraiment, et elle permet de prendre un moment pour réfléchir à ce genre de cirque qui vient avec le fait d’être lié à un humain par la parentalité, mais aussi essayer de rester un humain à part entière et tenter de se comprendre.

La grande différence entre Les Tranchées et Les Retranchées, c’est qu’on y discute plus de privilège et de différence entre la maternité et la paternité. Le discours est plus ouvert sur les formes de maternités différentes de celles qu’on expulse de son ventre. Et on comprend que même si Fanny Britt est devenue (malgré elle peut-être) une sommité de la maternité, elle traîne aussi avec elle le besoin de projeter une image qui convient aux demandes de la société ; être bonne et disponible, être forte et sensible, être mère et savoir que la planète va pas bien.

C’est un essai rempli de bonnes pistes de réflexion, qui aborde aussi l’avortement, trop souvent mis dans une case à part de l’expérience d’avoir un utérus qui peut y accueillir des foetus. Je pense que c’est un bon follow up de son premier livre et qui se place bien dans ce que l’ont vit peut-être un peu toute.

J’ai relu le dernier chapitre trois fois à date. C’est mon préféré. Ça raisonne comme ça fait mal.

Vous viendrez m’en parler quand vous l’aurez lu.