Si c’était pas écrit dans les lignes de ma main, c’était surement clair sur les réseaux sociaux et un peu partout sur les traces numériques que je laisse; je me dirigeais tranquillement, depuis les neuf dernières années, dans un très grand mur.

Mes parents ont presque toujours été entrepreneurs comme moi, et ils ont travaillé plus qu’à leur tour. J’ai été élevée sur le mantra de travailler fort pour avoir mes affaires et des aléas de la vie ont fait que j’ai dû apprendre à m’arranger du jour au lendemain en devenant maman. Ma grossesse surprise en fin d’étude et mon RQAP à 350$ au deux semaines ne me donnait pas les outils nécessaires pour prendre un congé de maternité comme travailleur autonome. J’ai pas pris de congé, j’ai continué de donner mon 100%. J'ai lancé des projets, aidé des gens, cuisiné moi-même ma bouffe, pas dormi, et j’ai participé à tous les trucs sociaux que j’ai pu dans les 9 dernières années. Un peu comme un automatisme et par peur de jamais être assez, en ayant l'impression d'être toujours un peu la conne ou bedon pas assez professionnelle ou pas assez mère pour les autres.

J’ai pas brulé la chandelle par les deux bouts, ce serait trop simple; j’ai pris la chandelle et je l’ai crissé à feu doux dans une poêle en me disant que mon TDAH, le café et mes médicaments stimulants allaient m’aider à passer au travers de mon rush.

L’affaire c’est que mon rush dure depuis mai 2015 et que j’ai jamais pris le temps de décrocher pour de vrai, j’ai mis des plasters sur des hémorragies en me disant qu’au moins les motifs étaient cutes.

Après deux mois à pleurer à absolument tous les jours, à être en chicane et tannée d’à peu près tout le monde dans ma vie, je me suis décidée à aller consulter mon médecin de famille et j’ai su que j’étais en dépression depuis un petit bout. Quand j’ai commencé à en parler autour de moi, on m’a dit « prend soin de toi » et « désolée mais faut que tu prennes le temps de t’arrêter parce que tu l’as jamais fait ». Nouveau médicament, thérapie, sport à faire chaque semaine. 

J’ai donc commencé un ~ arrêt de travail ~ en diminuant mes tâches d’envions 75%, prétextant des vacances pour m’occuper de projets personnels (ma santé mentale) et j’ai mis ma petite vie sur pause. J’ai pris le temps d’expliquer à mon enfant que je devais prendre du temps pour moi parce que j’étais malade. Il m’a demandé c’était quoi ma maladie; j’ai dit quelque chose comme une maladie de fatigue dans le cerveau. Que j’étais triste et que j’avais besoin de me reposer. Ça s’est bien passé il est sensible comme un coeur, ce petit nuage-là.

Puis, un jour après une dure journée d’école où il s’est rendu compte que la maternelle finissait bientôt et que sa vie allait changer, il a pleuré vraiment fort en me regardant et m’a demandé le plus sérieusement du monde «  coudonc es tu malade mentale? ». J’ai ri, j’aurais peut-être pas dû, mais dans les circonstances rire me fait du bien, puis j’ai dit que oui, la dépression c’est une maladie mentale, et que mon cerveau a déjà besoin de lunette avec mon TDAH et mon anxiété et que là je suis juste genre hyper fatiguée. Genre 100% fatiguée. Mais que ça des bons côtés parce que je suis plus souvent à la maison et que je peux enfin me reposer.

Plus tard, il m’a parlé qu’il qualifiait des trucs avec ses amis de la maternelle de malade mental et que ça voulait dire fou et que fou c’était pas négatif ni positif, mais différent. J’ai dit que la société était assez malade pour plein de raisons et que beaucoup de parents travaillent trop et s’épuisent. Moi, je suis de ceux-là. Pis que si ses amis avaient quelque chose contre les maladies mentales, ça me ferait plaisir de leur dire que finalement, c’est pas si pire que ça.

Fait que oui, je suis malade mentale, mon petit coeur. c’est pas grave, je vais revenir un moment donné après avoir dormi et chargé mes batteries.