J’ai grandi dans une maison pleine de secrets. Certaines choses devaient rester entre ma mère et moi, d’autres entre ma mère, ma grand-mère et moi. D’autres, entre mon père et moi.
Mon père ne devait pas savoir que ma mère m’avait acheté certaines choses, ou que l’on avait été magasiner tel soir, ou qu’on avait été au restaurant tel autre soir.
J’étais une enfant qui baignait dans les cachotteries. Elles avaient toutes l’air banales pourtant, un vêtement par ci, un repas par-là, une dépense cachée de-ci, de-là.
Mais pour une enfant de mon âge, c’était lourd à gérer. Parce que je les gardais, ces secrets. Je faisais attention à ce que je disais, à qui je le disais, à ce que je portais, avec quoi je jouais.
Je ne veux pas que ma fille ait à gérer des secrets. Mieux, je ne veux pas qu’elle apprenne à compartimenter sa vie autour de secrets. Il y a une grande différence entre faire un truc sans l’annoncer et le cacher en connaissance de cause.
Parce que j’ai vécu ces petites cachotteries qui causaient beaucoup de chicane dans mon enfance, j’ai toujours eu ces considérations à cœur. Je ne voulais pas de ça dans ma dynamique familiale. Et ça s’est cristallisé à la lecture de ce billet, Why We Don’t Keep Secrets In Our House (Child Abuse Prevention), quand j’ai appris que le secret était aussi largement au service des agressions commises sur les enfants et qu’une bonne façon de prémunir nos enfants contre les inconduites et autres agressions, c’était de les habituer à ne pas garder de secret.
Les agresseurs et les prédateurs comptent sur le fait que l’enfant tiendra en secret la relation malsaine qu’il développe avec lui, loin du regard critique et protecteur du parent.
Parce qu’elle y a été habituée, quand quelqu’un demande à ma fille de garder un secret, elle leur répond d’entrée de jeu qu’elle ne le fera pas.
Aux détracteurs qui me trouvent plate parce que ma fille stoole tous les cadeaux de fête de tout le monde, elle sait très bien la différence entre une surprise et un secret.
Une surprise, c’est garder de l’information un petit moment pour la révéler plus tard en vue de surprendre quelqu’un, pour un cadeau, par exemple. Un secret, c’est de cacher à quelqu’un de l’information pour le ou la garder dans le noir indéfiniment. Et, étonnamment, ma fille a su faire la différence très tôt entre les 2.
En lui donnant le bon exemple, en ne lui disant nous-mêmes jamais de « faux secrets » ou d’informations considérées comme secrètes, elle n’a jamais été confuse entre les deux. Nous n’avons eu qu’à corriger le tir quand l’exposition est venue par les amis.es de la garderie ou, comme dans l’exemple du blogue cité plus haut, d’un autre adulte dans son entourage.
Je respecte son droit à son intériorité et à son jardin secret, mais ce n’est pas la même chose que de garder un geste, une action ou un fait secret surtout si celui-ci à des conséquences sur notre dynamique familiale et notre bonheur à trois.
On s’aime trop pour ça, et ça, c’est un secret pour personne.