Je comprends qu’après une longue journée, ça fait du bien de s’étendre dans le bain avec une boule Lush, des chandelles et un bon bouquin. J’entends tout à fait le besoin de solitude, de silence, de masque hydratant dans la face, de vernis à ongles rose, d’une nouvelle tête, d’une marche avec un podcast dans les oreilles et de toutes les formes possibles et imaginables que le self-care peut prendre chez les mamans. Mais je dois vous avouer que ça commence à me titiller. Bon, je vais assumer et le dire : le self-care, ça me gosse.

Attention, je ne dis pas qu’il faut absolument s’oublier. De prendre soin de soi, c’est important. Je sais que mes amies mamans n’ont pas beaucoup de temps tout court et il va sans dire qu’elles passent souvent en dernier dans leur propre liste de priorités. Mais sincèrement, il me semble qu’en faisant exclusivement la promotion du self-care, sans l’inscrire dans le collectif, on manque un peu le bateau. Parce que de mariner toute seule dans son bain pendant 2 heures, c’est le fun, mais si tu es isolée tout le reste du temps, ça reste déprimant et après le bain, ce sera surtout aussi fatigant.

Quand les recherches sur la charge mentale démontrent que les femmes ont dans leur assiette une part plus que grande de l’organisation familiale, en plus de prendre un énorme load du travail domestique, la réponse ne peut pas seulement être un bon bain, aussi nice que soit la baignoire. Avant de l’eau chaude dans laquelle s’immerger, ce dont on a surtout de besoin, c’est de solidarité.

Peut-être êtes-vous différentes de moi, mais il me semble que bien plus que de prendre une marche, ce qui me fait vraiment du bien, c’est de savoir que je partage le fardeau de la domesticité avec quelqu’un. Que je ne suis pas la seule personne adulte sur qui repose l’éducation de mes enfants. Que j’ai des gens autour de moi et pas juste pour prendre le relais, mais aussi carrément stepper dans la parentalité pour aimer mes enfants, pour les élever avec moi et prendre part au brouhaha que ça implique de tenir une maisonnée avec des kids.

Et ça, c’est politique et social. Ça suppose des politiques publiques qui encouragent réellement les conjoints à prendre des congés parentaux, ça suppose des centres de la petite enfance bien financés pour permettre aux enfants de s’épanouir, ça suppose que les métiers des femmes soient valorisés, ça suppose des écoles priorisées, ça suppose des groupes communautaires qui ne sont pas oubliés, ça suppose des communautés où le tissu social est fort et tricoté serré…

Le self-care, de la façon dont on le conçoit généralement, me fait plutôt penser à l’idée du gouvernement Legault sur les récréations supplémentaires à l’école. Personne n’est contre la vertu, mais de proposer 20 minutes de plus pour jouer alors que les écoles sont sous-financées, que des bâtisses sont pleines de moisissures, que des bibliothèques scolaires disparaissent, que des profs sont en burnout à la tonne, c’est pas juste insuffisant, c’est carrément être aveugle aux vrais problèmes.

Du temps seule, pour se chouchouter c’est important. Mais parce que l’effet du groupe sur l’individu, ce n’est pas juste un petit baume momentané, ça veut dire qu'une communauté tout autour sur qui on peut compter comme un filet de sécurité, ça n’a pas de prix. Et si on se souciait véritablement les uns des autres, qu'on n'attendait pas que les gens soient au bord du gouffre pour prendre le relais, qu'on s'assurait que toutes ont la communauté nécessaire pour porter ce projet de maternité qui suppose tant d'oubli de soi?

Et on si faisait du vrai collective-care?