Mes enfants, je les connais bien. Je connais leur grandeur, leur poids, leur taille de vêtements et leur pointure de souliers. Je sais que l’un éprouve un amour infini pour les tomates et que l’autre refuse tous les légumes sauf les concombres.

Je les connais, mes enfants. J’ai dans mon cerveau une tonne d'information à leur sujet. Mais des fois, j’en échappe. Je sais pas trop pourquoi. Peut-être parce que j’ai pas dormi à mon goût depuis 2013. Mais des fois, il y a de l’information qui reste en dormance dans un coin de mon cerveau, et j’oublie de la traiter.

Comme le jour où Coco a commencé à faire du vélo sans petites roues. Anticipant quelques chutes, nous lui avons acheté un kit de protection : coudières, genouillères et.... gants. Nous l’avons aidé à enfiler les coudières et les genouillères sans problème. Les choses se sont compliquées quand est venu le tour des gants : Coco n’arrivait tout simplement pas à les mettre. Mon chum le coachait, patient : « Non, ce doigt-là ne va pas là. Il va ici. Non, ici. Tu en as deux dans le même trou, là. Mets celui-ci dans le trou d’à côté. Non, pas celui-là. » Les instructions ne portant pas fruit, mon chum a fini par lancer : « Ben voyons, Coco, on dirait que tu n’as jamais mis de gants! » L’exclamation nous a fait cliquer simultanément. On a échangé un regard. Ben oui. Coco avait 3 ans. Il n’avait effectivement jamais enfilé une paire de gants de sa vie...

J’aimerais pouvoir affirmer qu’il s’agissait là d’un épisode unique, d’une erreur isolée qui ne s’est jamais reproduite. Sauf que non. Six mois plus tard, c’était le tour de Bout d’Chou d’y goûter.

C’était pendant les Fêtes. Nous étions chez des amis et tous les enfants présents étaient occupés à explorer le contenu de la salle de jeu. C’est comme ça que Bout d’Chou a mis la main sur un tricycle. Il avait justement eu son premier vélo à son anniversaire le printemps d’avant, et il avait passé l’été à suivre son grand frère qui, lui, fier justement de n’avoir plus besoin de ses petites roues, ne faisait plus rien d’autre de ses journées que pédaler dans les sentiers du parc. Mais là, Bout d’Chou n’arrivait pas à faire avancer le tricycle. J’ai essayé de placer ses pieds sur les pédales, d'enclencher le mouvement du pédalier, en vain. Ses petits pieds ne faisaient que tomber des pédales comme si c'était la première fois que Bout d’Chou montait sur un vélo. J’ai ri : « Qu’est-ce qui se passe, Bout d’Chou, as-tu oublié comment pédaler? » Et là, clic. Je me suis souvenue. Bout d’Chou avait passé l’été sur son vélo, oui. Mais son vélo, c’était un vélo-équilibre. Sans pédales, là. Il n’avait pas oublié comment pédaler : il n’avait jamais su.

Bout d’Chou a fini par s’installer debout sur la barre qui relie les deux roues à l’arrière du tricycle, les mains sur le guidon, pour utiliser le tricycle comme une trottinette. Il s’est éloigné pour rejoindre ses amis, me laissant seule avec mon sentiment d’incompétence maternelle, à me demander pourquoi, manifestement, la simple vue d’un vélo me fait tout oublier des habiletés de mes enfants.

Avez-vous des bulles au cerveau comme moi?