La semaine dernière, en Estrie, une intervenante en Centre Jeunesse a été agressée sexuellement sous la menace d’un EpiPen. C’est épouvantable, pas croyable, traumatisant, mais pourtant, cette agressivité est le reflet de la réalité, notre réalité. 

Je suis éducatrice dans un Centre Jeunesse et mon travail, je l’aime. Je suis impliquée et motivée, mais croyez-moi, si je n’avais pas le souci du bien-être des adolescents que je côtoie quotidiennement, je ferais autre chose. On a des horaires difficiles, je passe plus d’heures dans une semaine avec les enfants de mon unité que mes propres enfants, la charge de travail est importante, il manque de personnel et par-dessous tout, je suis victime de violence au travail.

Oui, c’est vrai, comme la grande majorité de mes collègues, je côtoie la violence quotidiennement. Je la lis d’une part dans les dossiers et je la subis au plancher. « Grosse conne », « Esti de pute », « Criss de chienne », « Trou de cul », « Va chier », « Décaliss avant que je te frappe », « Je vais te tuer »: ce sont des mots parmi tant d’autres qui résonnent chaque jour entre les murs de l’établissement où je travaille.

Il y a aussi les portes qui claquent face à un refus, les chaises renversées par mécontentement, les pintes de lait éclaboussées suite à un conflit avec un pair, les trous dans le mur parce que maman n’est pas venue à la rencontre prévue, et j’en passe. Puis viennent les coups, les assauts physiques, les objets reçus avec force sur notre corps, les coups de poing, parfois même les morsures, sans oublier les crachats et autres fluides qui sont projetés dans notre direction.

On reste neutre, on accumule, on se détache et on ne le prend pas personnel, parce qu’on va se le dire, le vécu des jeunes placés est bien souvent une succession de traumatismes menant à des mécanismes de défense pas toujours sains. MAIS ça n’excuse pas. Toute cette violence ne se justifie pas, elle est inacceptable, même venant de ces enfants et adolescents blessés.

Parfois, on passe par-dessus, parfois on a besoin d’un temps d’arrêt, parfois nous sommes blessé.e.s, mais la plupart du temps, on continu, on y retourne. Pour ma part, je n’ai pas envie de changer de métier, pas encore, puisque je considère malgré tout que c’est un privilège de partager mon quotidien avec ces enfants-là.

Je suis, comme plusieurs autres, témoin de violence dans l’exercice de mes fonctions et il m’arrive trop souvent d’en être victime. On travaille avec des humains, mais nous aussi, on est humains. Et parfois, on l’oublie!

Il y a quelques jours, en Estrie, ça a été loin, trop loin. Je suis sous le choc et je ne peux pas m’empêcher de me mettre à la place de cette intervenante.

À toi, l’intervenante de l’Estrie, je te souhaite un prompt rétablissement, je te souhaite du soutien et surtout de prendre soin de toi. Prends le temps qu’il te faut et préserve-toi; préserve ta santé physique et mentale. Et à tous mes collègues éducateurs et éducatrices de partout, votre travail est incroyable, ne lâchez pas, mais surtout, ne vous oubliez pas.