J’ai fait une fausse couche. C’est drôle, je ne pensais pas que ça pouvait m’arriver. C’est comme tout dans la vie finalement, on ne pense pas que ça va nous arriver jusqu’à ce que ça nous arrive. Pourtant les fausses couches représentent une grossesse sur 5. C’est beaucoup, on devrait presque s’y préparer. Mais on en parle peu, alors on s’y prépare peu.
En tout cas, j’ai fait une fausse couche. J’en ai voulu à la vie. J’en ai voulu au shampoing que j’ai utilisé et qui avait sûrement des perturbateurs endocriniens. J’en ai voulu à la tomate remplie de pesticides. J’en ai voulu au sport que j’avais fait quelques jours avant. J’en ai finalement voulu à mes pensées (est-ce que j’étais assez prête à accueillir ce bébé?). Puis, après une brève enquête et lecture de statistiques, j’en ai juste voulu à la nature, ce qui était déjà pas mal.
Mais, par chance, je n’en ai pas voulu aux infirmières qui m’ont accompagnée avec compassion. Je n’en ai pas voulu au médecin à qui j’ai demandé « Mais est-ce que j’ai bien fait de venir à l’hôpital pour une fausse couche (après tout c’est presque banal, t’sais)? » et qui m’a répondu « Quelle question! De nombreuses fausses couches demandent un curetage d’urgence et un suivi est plus que nécessaire. Vous êtes au bon endroit et au bon moment. »
Parce que oui, un phénomène fréquent ne veut pas dire qu’il doit être banalisé ou traité comme tel. Ça ne veut pas dire qu’il va être vécu comme quelque chose banal non plus, parce que pour la personne qui le vit, c’est un choc, un traumatisme ou tout du moins un événement qui est n’est pas connu ou appréhendé comme quelque chose de connu.
C’est déjà beaucoup d’en vouloir à la vie; ce n’est pas nécessaire d’en vouloir en plus aux regards et aux remarques blessantes du personnel soignant, ce qui arrive encore trop souvent.
Alors merci à l’équipe du CHU Sainte-Justine d’avoir rendu ma fausse couche plus douce à vivre. Mes blessures seront beaucoup plus faciles à panser.
Et si, comme moi, vous cherchez sur internet s’il faut se rendre à l’urgence lorsque l’on fait une fausse couche, la réponse est OUI! Même à 6 semaines, même avant. On m’a fait une prise de sang, une échographie, prescrit du fer, expliqué que ça arrivait, rappelé que ça n’était pas de ma faute, donné un arrêt de travail et on ne m’a pas laissée sortir jusqu’à ce que ça aille mieux, que l’embryon soit sorti, que les pertes de sang se soient calmées.
Parce que c’est ainsi que ça devrait être, partout, tout le temps.