Mon corps est amoché, étiré, bariolé. Mes seins sont mous, vides, pendants. Mon ventre est flasque et molasse. J’ai des vergetures, des varices, des cicatrices.
Je n’ai jamais eu la relation la plus saine du monde avec mon corps. J’ai toujours été plus grande et plus grosse que mes amies. La seule à porter un soutien-gorge au primaire. À avoir du poil et des menstruations.
Pendant que les autres filles se demandaient quand est-ce que leurs seins pousseraient enfin, je me demandais comment ça que les miens étaient déjà aussi gros. Rapidement, les gens autour de moi m’ont fait sentir que mon corps n’était pas correct. Trop gros.
Mon corps et moi avons passé au travers de beaucoup de choses ensemble. Des grosses prises de poids. Des grosses pertes de poids. Des rages de sucres en cachette à minuit. De la salade Iceberg et de l’elliptique. Et des régimes. Tellement de régimes.
Je dois avouer que je n’ai pas toujours été l’amie de mon corps, en fait, je l’ai très peu été. J’ai passé beaucoup trop de temps à me punir à cause d’un chiffre sur une balance, à cause d’une étiquette dans un chandail.
Et puis, à son tour, mon corps n’a pas été mon ami. La maternité ne m’a pas été facile. Infertilité inexpliquée. Fausses couches. Déchirure au 3e degré. Perte de lait soudain en plein allaitement. Tumeur à l’ovaire. J’ai souvent eu l’impression que mon corps me punissait, se vengeait de moi.
Mais malgré tout, mon corps a fait pousser deux beaux enfants. Mes seins les ont nourris pour un certain temps. Mes bras les ont câlinés et mes lèvres ont déposées des millions de baisers sur leurs joues. Je les ai porté dans mon ventre et dans mes bras. En écharpe et en porte-bébé. Sur mon dos et sur mes épaules. Dans le creux de mon épaule se trouve tout le réconfort du monde quand ils ont peur ou de la peine.
Et je vieillis et mon visage se remplit de rides. Des rides parce que j’ai souri, parce que j’ai ri. Mais aussi des poches en dessous des yeux parce que le sommeil n’est plus le même. Je n’aurai peut-être jamais le corps que j’aurais donc voulu quand j’étais plus jeune, mais je suis la plus belle du monde dans les yeux de ces deux enfants là.
Et c’est peut-être ça qu’il me fallait pendant tout ce temps; me trouver belle, de façon inconditionnelle. J’ai assez donné, assez perdu de temps à ne pas m’aimer. À éviter les miroirs et les photos. À me comparer aux autres et à me sentir tellement poche.
Mon corps est doux, cotonneux, confortable et remplis de souvenirs. Et je suis forte, aimante, belle. Pas seulement belle « malgré tout ». Belle parce qu’au fond, toutes les femmes le sont.