Du 2 au 8 février, c'est la 30e Semaine nationale de prévention du suicide. Pour l'occasion, je me suis entretenue avec un intervenant de Suicide Action Montréal pour démystifier le deuil par suicide et comprendre comment l'aborder avec les enfants; parce qu'il faut en parler, connaître les ressources disponibles et, surtout, savoir qu'on n'est jamais seul.e.

Pouvez-vous décrire brièvement votre travail pour Suicide Action Montréal? Depuis combien de temps êtes-vous intervenant pour cet organisme?

Je m’appelle Jean-Claude Daoust et je suis impliqué à Suicide Action Montréal depuis plus d’une quinzaine années. Je m’occupe des services pour les personnes endeuillées par suicide depuis environ 7 ans et suis responsable de soutenir les intervenants dédiés au service, ainsi que d’organiser les services et les rencontres pour notre clientèle endeuillée. Mon équipe et moi-même rencontrons les personnes endeuillées pour leur offrir soutien et accompagnement, et pour les mettre en contact avec leurs forces et habiletés personnelles.

Comment peut-on, en tant que parent, expliquer le suicide à nos enfants? Faut-il attendre un certain âge avant d’aborder cette réalité? 

Toutes les recherches depuis plusieurs années ont démontré qu’il est important de dire la vérité aux enfants. La compréhension de la mort et du suicide varie selon l’âge, donc le choix des mots peut varier aussi. Il est important de parler à l’enfant du décès de façon simple, vraie et claire. Le plus important est de respecter le besoin de l’enfant de ne pas tout savoir et de laisser venir ses questions.

Il ne faut pas le surcharger en réponses et en explications. Il faut par contre nommer et démontrer que nous demeurons disponibles si l’enfant a d’autres questions.

Expliquer concrètement ce qu’est la mort, éviter les explications floues et éviter les détails morbides sont aussi des aspects qui sont préconisés.

Nous recommandons aux parents ou aux adultes d’entrer en contact avec un intervenant afin de se faire outiller avant d’annoncer la nouvelle du décès aux enfants et de parler du sujet du suicide. Nous souhaitons également que les enfants comprennent que face à l’adversité, il existe d’autres solutions que le suicide. Il y a différentes façons - plusieurs sont bien simples - d’aborder ceci avec des enfants, et les intervenants dans le milieu demeurent disponibles pour soutenir les parents à cet égard.

Comment peut-on aider nos enfants à faire le deuil d’un proche (parent, ami.e, membre de la famille) qui s’est enlevé la vie? 

Lui nommer que personne n’est responsable de cette mort. Rassurer les enfants que nous demeurons présents, que nous ne sommes pas en danger de mourir nous aussi.

Dire à l’enfant qu’on va s’occuper de lui le mieux possible malgré les changements dans la famille, qu’on est là s’il a d’autres questions.

Dire que nous continuerons à aimer et à penser à la personne décédée, qu’on ne l’oubliera pas.

Parler des choses qu’on peut faire, individuellement et en famille, pour se faire du bien et aller mieux.

Existe-t-il des livres ou des ressources pour nous aider à aborder cette réalité et accompagner nos enfants dans le deuil?

Différentes ressources existent pour les enfants : La Maison des Petits Tournesols à Montréal; l’Équipe Spécialisée en Prévention du Suicide de Laval; Suicide Action Montréal offre un coaching (sur la ligne 24h ou personne) concernant les enfants endeuillés par suicide.

Plusieurs livres existent pour aborder le sujet de la mort avec les enfants, dont Le petit livre de la mort et de la vie, Mort, mais pas dans mon cœur, Des souvenirs pour la vie, Un baume pour le cœur et plusieurs autres.

Comment un parent peut-il vivre son deuil tout en accompagnant ses enfants qui le vivent aussi?

Se laisser des moments pour ressentir ses émotions, que les enfants soient présents ou non, est bien important, si émotions il y a.

Avoir un suivi individuel pour le deuil pour soi peut également créer un espace, un endroit pour que le parent se dépose et aborde son propre deuil, s’il sent qu’il ne peut pas le faire ailleurs.

Que faut-il absolument éviter en tant que famille qui vit un deuil par suicide?

Il faut éviter de mentir aux enfants (i.e. éviter garder le secret); il faut éviter de prendre son enfant pour son confident ou de s’effondrer devant son enfant. Il est correct de montrer ses émotions devant l’enfant, car ceci l’aidera à montrer les siennes, mais il faut montrer à l’enfant que nous faisons de notre mieux pour prendre en charge la situation. Il a besoin d’être rassuré.

Il est important de ne pas dire aux autres membres de la famille (adultes et enfants) comment vivre leur deuil; il est également important de respecter les limites des autres membres de la famille (les gens ne vivront pas tous le deuil de la même façon et ne verront pas tous la situation de la même façon).

Du 2 au 9 février, c'est la 30e Semaine nationale de prévention du suicide.

Si vous ou un proche en ressentez le besoin, contactez Suicide Action Montréal au 1-866-APPELLE

Pour plus d'information, découvrez la campagne Tombent les masques 2020 sur le site de Suicide Action Montréal.

Alexandre Goyette a d'ailleurs témoigné pour la cause.