J’ai perdu ma mère quelques jours après lui avoir annoncé que j’attendais une petite fille
Catherine LefrançoisMardi le 17 janvier 2017, j’ai su que j’attendais ma première fille, Anne-Frédérique. Mon père m’accompagnait à l’échographie puisque mon conjoint travaillait. Ce souvenir est pour moi à la fois doux et déchirant puisqu’à ce moment-là, je vivais sans le savoir les derniers jours de lucidité de ma mère. J’ai eu le temps de lui apprendre que j’attendais une petite fille, lui dire son prénom et lui avouer que ma tante – sa soeur – serait sa marraine. Dans les jours qui ont suivis, ma mère a sombré dans la démence, puis dans un profond sommeil avant de nous quitter le matin du 26 janvier 2017.
Depuis 2017, il n’y a pas eu une seule journée sans que je pense à ma mère. À chaque échographie de grossesse. À mon shower. À chaque contraction. À la naissance d’Anne-Frédérique. À l’hôpital, j’avais même apporté ma petite urne contenant ses cendres dans ma valise. C’est étrange, mais j’ai senti sa présence et cela m’a rassurée.
Seule dans la nuit avec ma petite Anne-Frédérique de quelques jours, je me suis surprise à lui chanter La paix du soir. La chanson que ma mère me chantait dans les scouts. Longtemps, ma voix s’est brisée et je n’ai pas pu terminer la chanson. Je terminais d’allaiter en pleurant dans le silence de la nuit.
Je suis retombée enceinte en janvier 2018, un an après son décès. Son départ s’est vraiment fait sentir à l’annonce de ma deuxième grossesse. Celle dont ma mère ne sera jamais au courant. Nouvelle grossesse et nouveaux petits deuils. Cela a aussi coïncidé avec la période où j’aurais vraiment eu besoin d’elle pour répondre à mes 1001 questions sur l’introduction alimentaire, le sevrage, la motricité de ma plus vieille…
C’est à ce moment-là que j’ai su que j’allais avoir besoin d’aide. À force de vouloir être forte pour ma famille, je me suis oubliée. J’ai oublié de vivre mon deuil, ma tristesse. Je savais que pour être une meilleure mère, je devais prendre soin de moi.
Mérédith est née le 24 octobre 2018. Mon premier rendez-vous à la clinique universitaire en psychologie de Trois-Rivières était le 8 novembre 2018. Durant toute l’année qui a suivie, j’ai apporté mon bébé en coquille et ma tristesse en thérapie. Toutes les semaines, je laissais une partie de ma tristesse à la clinique et j’allais de mieux en mieux.
Mérédith m’en a fait voir de toutes les couleurs. On a souvent dit qu’elle a le fort caractère de ma mère et cela me fait du bien de savoir que ma mère vit à travers ma fille. Nous gardons l’urne de ma mère dans sa chambre. Aussi étrange que cela puisse paraître, cela m’apaise de savoir qu’elles sont ensemble et que ma mère veille sur elle durant la nuit.
En décembre 2019, nous fêtions le 20e anniversaire du premier diagnostic de cancer du sein de ma mère. De mon côté, je fête ma deuxième année de thérapie. En 2020, j’ai veux aller de l’avant et aller mieux pour moi et pour mes filles. Je consulte encore une fois par semaine. Si ma mère m’a appris une chose, c’est d’être forte. Aujourd’hui, je comprends que pour être forte, je dois accepter mes faiblesses et vivre ma tristesse. Certains jours sont plus difficiles, mais lorsqu’Anne-Frédérique me demande de lui chanter La paix du soir avant de s’endormir, je suis enfin capable de la lui chanter au complet sans pleurer.
N’hésitez pas à consulter les cliniques universitaires de service psychologique. Des étudiants de 3e cycle en psychologie offrent des consultations et des évaluations à tarifs réduits.
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