Mes cocos, ne m’en voulez pas trop.
J’ai envie d’être solo.
Je donne et redonne. Me voilà déroulée de mon rouleau. Maman Bounty en a assez, d’éponger, d’absorber, d’essuyer ses besoins du revers de la main.
J’ai envie d’une trêve de ma vie de maman.
Redevenir femme, un instant.

Je rêve de liberté, de fenêtres baissées, mains sur le volant de ma Hyundai familiale, sans cris, sans pleurs, et de grâce, avec enfin de la vraie musique cadencée.
Mes hanches libérées des 25 livres de bébé qui s’y plaît bien, assis là toute la journée.
Je veux m’étendre sur la grève, sentir le soleil me brûler les joues, pas que de la bave dans mon cou.
J’aimerais enfiler mes jeans, sortir de ma zone de confort, me lisser les cheveux, les sentir flotter au vent. Brise de liberté. Bris de liberté. Qu’on me libère de ma prison de tâches maternelles, qu’on me soulage de mes fardeaux, qu’on m’invite à m’amuser sans avoir à me demander où est la table à langer.
Je me meurs d’une soirée de filles à papoter, sans interruptions, sans responsabilités, sans horloge pour me rappeler à la réalité.

On me dit de regarder mes saints enfants au corps sain, comme un succès quotidien.
On me somme de féliciter mon sein pour le pain quotidien qu’il donne à mon dernier chérubin.
Ça ne me suffit pas. Honte à moi.
Je suis avare. Je ne me rassasie pas de moments à moi.
Je suis en manque d’amour...propre. J’ai égaré ma fierté féminine. J’ai troqué mon orgueil contre de vieilles brassières d’allaitement et des pantalons sans boutons. Je ne me regarde pas dans la glace; de stupeur, je ferais clairement volte-face.

J’aimerais appuyer sur le bouton pause, prendre congé de ma maisonnée. M’évader de mon confinement maternel, respirer.
J’aimerais qu’on me branche au mur, tel un iPhone siphonné de sa batterie, à force d’être utilisé. Qu’on m’infuse un puissant énergisant, pour reprendre contrôle de ma tête et de mon corps; être celle d’avant.
J’aimerais des électrochocs, pour ranimer celle qui pétillait, négligée au fil du temps.
Je le sais que trop; je suis mon propre bourreau, au boulot de maman, et je n’en tire surtout que des maux, dernièrement.
Je me mettrais parfois en boule et je roulerais sans fin, jusqu’à ce que j’en perde mon latin.
Je rêve d’une trêve et de goûter le vent.
Je souhaite m’étourdir de bonnes choses, me gaver de sushis et langoureusement embrasser mon chéri.
Je rêve de sortir dehors, au gré de mes envies, sans habits à batailler, sans bottes lancées au nez.
Je caresse l’envie d’être libre et libérée de mes carences.

Mais il y a, dans ma tête rêveuse, toutes ces ambivalences de mère moderne qui me rationalisent et me ramènent à l’instant présent.

Il y a des choix à faire. Il y a de l’aide à accepter. Il y a matière à déléguer. Il y a courage à prendre, il y a coupure à faire. Il y a bonheur à saisir et limites à instaurer.

Je souhaite être maman.
Je souhaite en être une heureuse, présente.
Présentement en manque de tout et de rien.
Je souhaite être femme, mais pas à leurs dépens.
J’espère que mes cocos ne manquent de rien, dans leur vie, et ne rien manquer de leur vie.
Ils sont si petits encore.

Alors je rêve d’une trêve. Et ça me fait du bien.
Demain, je me choisirai un peu, peut-être bien?