Je me meurs de dormir plusieurs heures d’affilée. Cette envie me triture l’esprit et me déraille la cervelle. À ce stade carentiel, j’en suis à fabuler un peu…beaucoup, aisément. J’avais envie de vous partager cette petite anecdote d’épouvante banale, question d’exorciser un peu mon affolement matinal.

Ce matin, pouliche d’un an subtilise la collation de son frérot, alors qu’elle est dans sa coquille d’auto. Direction garderie, en pleine poudrerie. Maman zieute prudemment la route, tout en jetant furtivement un œil au miroir qui me renvoie l’image de bébé emmitouflé, bien éveillé. Courbe. Poudre. Regard express.

Poulette fixe le vide, avec son visage crayeux. Deuxième et troisième aperçu, même portrait, pas un seul clignement d’yeux.
- Cocotte? Pas de service au numéro composé.
- Cocotte, dis-je avec insistance?

Je lui caresse la tête, d’une main distraite. Une fois, deux fois. Pas de réaction. Et c’est là que je repense à la fameuse barre de figues égarée, possiblement dans sa gorge, me dis-je, moi-même étranglée par la peur.
- COCOTTE?!, crie-je avec de la panique dans le plus profond de mes tripes.

Attention : mère affolée au volant! Freins violemment appliqués (J’ai étonnamment pensé au clignotant, figurez-vous!). Voiture clairement mal garée, sans froissement de tôle. Quant à moi, je frôle l’hystérie. On me klaxonne, avec raison. Mais dans ma tête qui déraisonne, il n’y a que mon cœur qui résonne. Tachycardie 101.

Je la secoue, maintenant, pratiquement. Je compile mentalement mes données de RCR, me prépare à répéter cette traumatique mais nécessaire manœuvre de désengorgement des voies respiratoires… pour une troisième fois, dans ma vie.

Quand enfin, elle s’illumine, cligne ses grandes billes bleues, et m’expose ses huit jolies dents de lait, candidement. La revoilà. Elle était simplement dans la lune, et moi, dans l’énervement flagrant. Elle s’apprêtait à sommeiller, yeux bien ouverts. Et moi, privée de sommeil, à générer un bête accident.

La fameuse barre de figues bien calée sous ses fesses, elle n’avait rien d’un bébé en détresse. Je suis arrivée à destination, enfin, encore prise de vilains tremblements. Puis j’ai éclaté de rire, devant mon grand. Fallait que ça sorte, le méchant! La situation, au chronomètre, devait frôler la vitesse d’un météorite, vu de la Terre. Et moi, j’en ai fait un long récit d’effroi; Big Bang cérébral futile, ma foi.

N’empêche, j’ai compris, ce matin, pourquoi ça a causé tout cet émoi, hormis mon état de fatigue démesuré. On leur donne d’abord la vie, à nos enfants. On leur donne (sacrifie?) ensuite notre vie. Et donc, notre vie n’a de sens que s’ils y figurent. Mama bear n’a pas fini de fabuler.

Et vous, avez-vous déjà pensé à l’impensable, de façon anodine?