Deux semaines. Deux semaines que je vois mon entourage arrêter volontairement de travailler pour être à la maison avec les enfants. Deux semaines que je vois les heures de travail de mon entourage diminuer drastiquement. Deux semaines que je vois les membres de mon entourage remplir des demandes de prestations, car ils ont été mis à pied. Deux semaines que je vois mon entourage se battre pour avoir leurs relevés d’emplois le plus rapidement possible.

Deux semaines que je vois mon entourage compter chaque sou qui entre et qui sort, qui appelle les compagnies et les banques pour faire retarder les paiements. Deux semaines que je vois les membres de mon entourage calculer et recalculer pour vérifier qu’ils vont survivre financièrement à la crise. Deux semaines que je vois mon entourage arrêter de respirer, espérant que le Québec se met sur le « play » en mai comme prévu, craignant que ça soit plutôt en septembre, comme plusieurs le pensent.

J’observe chaque petite inquiétude se dessiner sur leurs visages, j'encaisse chaque parole qui laisse trahir leur crainte. C’est la seule chose que je peux faire, les écouter. Sans le savoir, j’ai accouché au « bon moment », un peu avant la crise. Je ne vis pas le stress qu’endure mon entourage, je suis en congé de maternité. Je n’ai pas peur financièrement pour les prochains mois, j’ai un pourcentage de mon salaire qui m’est versé toutes les deux semaines, et ce, jusqu’à la fin de l’année. Si la situation était différente, je serais quand même au travail, car il est considéré essentiel. Même si mes heures de travail étaient diminuées, je pourrais piger dans ma banque pour augmenter mon revenu hebdomadaire. Je serais touchée par la crise, mais beaucoup moins que plusieurs de mes proches. Je serais encore au travail, car mon conjoint a été temporairement mis à pied et il serait avec les enfants.

J’ai l’impression d’être à Bora-Bora, à profiter du soleil chaud, un cocktail à la main à regarder le monde prendre en feu. Je ne me sens pas coupable de la situation (je n'ai pas de contrôle sur le virus, après tout), mais je trouve ça tough de regarder mon entourage avoir le poids du monde sur leurs épaules. Je tente de faire de mon mieux, même si la seule chose que je peux faire est de les écouter ventiler un peu et espérer.

Espérer que les premières lueurs du printemps soient porteuses de bonnes nouvelles, que nous pourrons bientôt sortir et reprendre notre quotidien là où on l'a laissé.