Comme la majorité de la population mondiale, ma famille et moi ressentons les répercussions associées à la Covid-19. Et pour ma part, j’ai des sentiments partagés face au slogan « Ça va bien aller » qui semble gagner en popularité. J’ai peut-être, aussi, une désagréable impression de déjà-vu.

J’ai complété un doctorat et mes connaissances en statistiques, quoique pas si grandes, m’aident à conserver une perception rationnelle de ce qui se produit actuellement. Mon mari et moi sommes relativement jeunes et en bonne santé, les enfants sont très peu touchés et mes parents sont confinés. Mais une autre partie de moi, soit mon côté plus émotif qui se fout éperdument des stats, n’y arrive tout simplement pas.

Cette partie de moi me rappelle, bien malgré moi, que notre famille a déjoué les statistiques plus d’une fois dans les dernières années. D’abord puisque notre première enfant était atteinte d’une maladie rare touchant une personne sur un million, et ensuite parce qu’elle a déjoué les pronostiques en décédant de façon très prématurée à l’âge de 2 ans et demi. Et pourtant, nous avions entendu plusieurs fois que « tout irait bien ».

Si j’écoutais mes angoisses et mon instinct maternel, je me barricaderais donc à la maison avec mon mari et nos deux garçons en attendant que la pandémie soit chose du passé. Or, étant tous les deux des travailleurs du réseau de la santé, nous continuons de nous rendre au travail chaque matin et d’aller porter, non sans une boule au creux de nos ventres, nos enfants au service de garde d’urgence.

Nous avons beaucoup de chance, car nous ne jonglons pas avec des soucis financiers comme trop de gens doivent le faire actuellement. Je sais aussi que d’être confiné chaque jour doit être extrêmement difficile. Par contre, je peux dire sans mentir que j’ai rarement été aussi anxieuse et aussi « à la course » qu’en ce moment.

Je suis anxieuse, car les quatre membres de ma famille s’exposent au virus, surtout mes enfants pour qui la distanciation sociale est un concept assez difficile à appliquer du haut de leurs 2 ans et 5 ans.  Je suis aussi anxieuse, car je travaille en santé mentale et que je peux imaginer que la lourdeur de mes tâches professionnelles s’accentuera au même rythme que le virus (et persistera après!).

Donc, je cours, car ma charge de travail augmente. Je cours, car chaque fin de journée avec les enfants est une véritable épopée qui implique une mise en bobettes dès notre entrée dans la maison (merci à l’énorme banc de neige qui se tient toujours devant notre fenêtre et qui préserve notre intimité!) et une désinfection totale de tout objet que nous portons ou touchons. Je cours, car mon mari a vu sa charge de travail doubler, ce qui le rend évidemment moins disponible pour nous. Je cours, car l’aide extérieure est moins présente en raison du confinement.

Malgré tout, nous avons de la chance, car nous ne sommes pas des travailleurs qui offrent des soins médicaux aux malades. D’ailleurs, j’ai souvent une pensée pour ces travailleurs qui se mettent chaque jour à risque pour nous soigner ou pour assurer notre sécurité. Et qui, sans aucun doute, courent et vivent aussi de l’anxiété.

Alors oui, ça peut bien aller. Et ça va sûrement bien aller, particulièrement si les gens respectent les consignes et le confinement. Mais évitons de tomber dans un déni qui pourrait contribuer à ce que les gens se sentent freinés dans l’expression de leurs inquiétudes ou même de leur détresse. Car que ce soit en raison de problèmes financiers, d’ennuis liés au confinement, de stress par rapport au virus, d’une surcharge de travail ou peut-être même de la perte d’un proche, ce que nous vivons collectivement n’est pas toujours digne d’un arc-en-ciel. Soyons plutôt réalistes, sans être pessimistes, et soyons à l’écoute des gens autour de nous. Soyons bienveillants envers nous-mêmes et envers les autres.

Comment vivez-vous la situation de la Covid-19?