Depuis le début du confinement, nous sommes bombardés de louanges face au personnel du milieu de la santé; on leur dédie des chansons, on leur écrit des poèmes, on crie haut et fort combien ces travailleurs sont importants. Au-delà de ces louanges, on les décrit aussi comme des anges. Je réfléchis depuis plusieurs jours à ce mot qu'on utilise en ce moment pour qualifier les infirmières, car j'en suis une. J'avoue que je ressens un malaise persistant face à ce terme et aujourd'hui, j'ai compris que non, nous ne sommes pas des anges.

Nous ne sommes pas des anges; nous exerçons un métier auquel nous sommes entièrement dévoué.e.s, au détriment parfois de nos familles et de nos enfants. Nous exerçons un métier exigeant, parfois inhumain. Certes, nous sommes plusieurs à avoir quelques traits communs comme l'empathie, le courage et le professionnalisme. Nous plaçons l'humain au coeur de notre pratique, mais en réalité, nous ne faisons que notre métier, comme bien d'autres.

Nous appeler « les anges » c'est, à mon avis très personnel, nous obliger à accepter des situations et des conditions impossibles. C'est exiger de nous que nous fassions plus souvent qu'autrement des choix qui nous brisent le coeur. C'est nous obliger à ne pas prendre nos repas ni nos pauses et nous demander d'accepter d'être obligé.e.s de rester au travail pendant 16 heures.

Par définition, l'ange est un être parfait, une entité céleste placée en intermédiaire entre Dieu et l'homme. Nous qualifier d'anges, c'est exiger de nous la perfection.

Alors aujourd'hui, j'ai envie de clamer haut et fort que je ne suis pas un ange; je ne veux pas qu'on exige la perfection de mes collègues et de moi-même alors que nous sommes dans une situation très loin de la perfection. Je veux exercer mon métier au meilleur de mes capacités et je veux être au front, parce que je crois sincèrement qu'il s'agit du plus beau métier du monde. Mais jamais je ne veux qu'on exige de moi que je le fasse au détriment de ma santé physique et mentale.

Avant d’être une infirmière, je suis une femme, une mère, une amie, une amante. Alors, non, je ne suis pas un ange.