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Devenir à la fois maman et mamange
Crédit: Pexels

Même si nous vivons tous le confinement, il faut se le dire,  y’a des gens qui en souffrent plus que d’autres… Toutes ces personnes seules, les familles perdant un proche, ceux qui perdent leur job et se retrouvent dans une situation précaire, ceux qui sont aux prises avec une santé mentale ou physique chancelante et j’en passe… Ce sont ceux pour qui le slogan « ça va bien aller » fesse dans le dash! En tout cas, pour moi, c’est le cas ! Je comprends l’idée derrière ce message, mais ce n’est pas si simple pour tout le monde. Pour plusieurs, le déconfinement ne résoudra pas tous les problèmes.

 

Voilà, j’avais donc envie de partager un brin de notre malheur et de notre bonheur. Un peu égoïstement, parce que j’en avais besoin (espérant que ça m’enlèvera quelques kilos sur mon dos) et aussi dans l’espoir que quelqu’un s’y retrouve et que ça l’aide aussi un peu.

 

Nous sommes nouvellement parents de deux enfants, une petite fille et un petit garçon. Une belle histoire qui s’est rapidement changée en cauchemar. 10 jours après sa naissance, le 1er janvier 2020, notre petite cocotte nous a quittés. Kaboum! Une bombe dans nos vies.

 

J’avais eu une magnifique grossesse et mon accouchement s’était bien déroulé. J’étais évidemment stressée à cause de mon âge et du fait que ce soit des jumeaux… J’avais peur de faire une fausse couche, peur qu’ils soient malades… bref, des peurs de futurs parents. Et puis, quand je les ai tenus dans mes bras et qu’ils semblaient en pleine santé malgré leurs 36 semaines, j’ai été soulagée. Je me suis dit naïvement que le pire était passé.

 

On est rentrés à la maison le 24 décembre au matin. Juste à temps pour fêter notre premier Noël en famille. J’étais si fière d’avoir mis au monde deux si beaux bébés. L’allaitement n’était pas si évident, mais on comblait avec une préparation commerciale. Ma petite cocotte a mis un peu plus de temps à prendre le sein, mais au matin du 28, elle y était parvenue. Les deux en même temps, c’était un moment de pur bonheur. Et puis, au boire suivant, tout a basculé. Elle s’est mise à pleurer et gémir. J’ai pensé que c’était en réaction à mon lait… Je me suis dit que c’était une réaction normale à un changement de nourriture. Je l’ai mise contre mon avant-bras, je l’ai bercée et elle s’est assoupie…

 

Mais après 4h, elle ne réagissait plus et son petit cœur s’est mis à s’emballer. Sur le coup, je me suis dit que c’était mieux que ce soit papa qui aille à l’hôpital et que je reste avec le petit. J’ai pleuré, beaucoup pleuré, mais je me disais « Ça va bien aller ». Puis, tout a déboulé…

 

Avec les spécialistes en périnatalité du CHUL (j’habite en région éloignée depuis quelques mois), ils ont soupçonné une infection à streptocoques. Ils l’ont intubée et mise sous antibiotiques. Le soir même, elle a été transférée à Québec en avion et papa l’a rejointe le lendemain matin. J’ai tout de suite regretté de ne pas avoir été celle qui soit partie. D’être si loin d’eux, seule avec un nouvel enfant, dans une nouvelle ville, loin des amis et durant la période des Fêtes… Déjà de vivre ça, en soi, c’est juste épouvantable.

 

Je me suis mise à faire des recherches et j’ai commencé à me passer dans ma tête tous les scénarios possibles. Le lendemain après-midi, les médecins ont demandé à ce que son petit frère reçoive aussi des antibiotiques. Il faut comprendre que l’une des causes possibles de cette infection, c’est que la mère est porteuse et peut la transmettre lors de l’accouchement. Ensuite, par précaution, on nous a aussi transférés à Québec le 29 décembre en soirée.

 

Ma belle princesse, quand je l’ai revue, elle était tout enflée et branchée de partout. Et j’ai pleuré et pleuré… mais il y avait toujours une partie de moi qui se disait que les antibiotiques feraient effet et tout redeviendrait normal. On faisait la marche entre elle, notre garçon et notre chambre juste à côté. Le petit bonhomme allait bien. Je l’allaitais et je retournais voir sa sœur. Plus les heures passaient, plus mon corps devenait lourd et mes jambes molles. Je me retenais à l’aide de son petit lit et je pleurais et pleurais. 

 

Le 30 décembre, le diagnostic est tombé. Les médecins avaient de plus en plus de difficulté à maintenir l’oxygénation de notre cocotte et l’IRM a montré des dommages irréversibles à l’ensemble de son cerveau. Le 1er janvier au matin, nous avons donc décidé de laisser partir notre petit ange. Nous avons passé plusieurs heures avec elle à lui chanter des chansons, la bercer et être à côté de son petit frère. Puis, arriva le moment de retirer le dernier tube…

 

Étrangement sur le coup, je suis devenue très calme, voire apaisée. Je l’ai bercée, lavée et habillée avec l’aide de l’infirmière (un ange). Je ne souhaite évidemment à personne d’avoir à vivre ça. Ces derniers moments sont à tout jamais gravés dans mon esprit… pour le meilleur et pour le pire. 

 

Pendant plusieurs semaines après, j’étais paniquée lorsque le petit se mettait à pleurer (encore aujourd’hui) et lorsque j’entendais mon conjoint ronfler, l’image de la petite à son dernier souffle venait me hanter. Aujourd’hui, après bientôt 8 mois, je vis encore avec la culpabilité… Est-ce que c’est vraiment moi qui lui ai transmis ou est-ce un équipement qui était contaminé? Pourquoi ont-ils mis plus de 2h à l’hôpital avant de lui donner ses  premiers antibiotiques? J’aurais dû savoir qu’elle n’allait pas bien et aller à l’hôpital immédiatement, j’aurais dû avoir une césarienne, j’aurais dû être avec elle tout au long, j’aurais dû, j’aurais dû…

 

Et puis, il y a son petit frère. J’avais si peur qu’il lui arrive quelque chose. En fait, cette peur va m’habiter à tout jamais. D’autant plus que la petite est partie à cause d’une bactérie à la con dont la moitié de la population est porteuse. Se faire dire de ne pas s’inquiéter pour le petit quand il a atteint 1 mois, car il n’était plus en danger, c’est un soulagement, mais c’est aussi tellement frustrant. Mais il va bien, notre petit homme, et il pétille de vie.

 

Chaque jour c’est un combat pour moi. Mes émotions oscillent toujours entre la peine et la joie. À chacun de ses sourires, je me demande comment ceux de sa petite soeur auraient pu être. Mais sans lui, j’aurais perdu le cap, c’est évident. Évidemment, je ne suis pas la maman que je pensais être, pas aussi hop la vie en tout cas, mais je pense que malgré tout, je m’en sors pas si mal.

 

On dit que le temps apaise notre douleur. Et puis, y’a parfois la vie qui continue de se moquer de nous. Avec la pandémie qui nous empêche de voir nos proches, nos amis, c’est un support moral en moins. Cette pandémie qui affecte aussi la saison touristique de notre petite auberge. Ma mère qui s’est fracturé la hanche et que je n’ai pas pu aider. Y’a aussi la vie qui a décidé de faire en sorte que je sois témoin régulièrement de la réalité de voir des jumeaux qui grandissent ensemble, puisque des amis d’ici sont sur le point d’en accueillir une paire. Si Dieu existe, il est cruel. 

 

J’en veux aussi à certains médecins d’avoir dit que c’était à cause de moi que la petite a attrapé cette bactérie. En aucun moment, ils n’ont mentionné la possibilité que la contamination vienne d’ailleurs; du personnel ou de l’équipement, par exemple. Et pourtant, en présence d’une infection dite tardive, c’est souvent le cas. Je ne saurai jamais où exactement elle aura attrapé cette foutue bactérie, mais de savoir que ça ne vient peut-être pas de moi m’apaise… un peu.

 

Voilà, bientôt 8 mois et j’ai encore beaucoup de difficulté à trouver que la vie fait du sens. Ça va bien aller?! On se le souhaite, il le faut. Ne serait-ce que pour notre petit homme et les futurs jumeaux de nos amis notamment. Mais ma petite princesse, je ne t’oublierai jamais. Tes petits yeux, des perles d’ébène. Ta petite bouche en cœur. Ma petite princesse, je t’aime tant. Quand j’irai pédaler avec ton petit frère à la recherche du petit pot d’or au bout de l’arc-en-ciel, je t’imaginerai à nos côtés.

 

 

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