Hier, mon troisième enfant a eu 2 ans, 6 mois et 30 jours. Et pour moi, cet âge n'est pas anodin.

Deux ans, 6 mois, et 30 jours, ça correspond au moment exact où notre première enfant, une magnifique petite fille malheureusement atteinte d'un rare syndrome génétique, est décédée subitement. Malgré son syndrome, absolument rien ne laissait présager sa mort. Selon les médecins et ce qui était connu dans la littérature à l'époque, son syndrome devait lui permettre une espérance de vie d'environ soixante ans.

Puisque son décès était très soudain et qu'il est survenu huit jours avant la naissance de notre deuxième enfant, celui-ci a quelque peu subi mon traumatisme. En effet, pendant longtemps, il a eu droit à une surveillance nocturne étroite de ma part. Longtemps, il a dormi avec moi. Puis, lorsque nous avons décidé qu'il était temps de cesser le cododo, je me rendais quelques fois par nuit dans sa chambre pour vérifier s'il allait bien. Je voulais m'assurer, même s'il était en santé, qu'il ne décède pas lui aussi dans son sommeil. Encore aujourd'hui, il n'est pas rare que je le visite une fois durant la nuit pour entendre le bruit rassurant de sa respiration ou pour déposer ma main sur son ventre.

Quelques années après son arrivée, notre troisième garçon est né. Un autre magnifique petit garçon en pleine santé. Fidèle à moi-même, je surveillais aussi de façon étroite s'il respirait la nuit.  Et je le fais toujours.

Hier, notre bébé a eu exactement l'âge que ma fille avait lors de son décès, c'est-à-dire 2 ans, 6 mois et 30 jours. Même s'il n'y a aucune raison rationnelle derrière ce sentiment, le fait d'avoir passé ce moment avec mes deux garçons me procure un certain soulagement. Comme si le fait qu'ils vivent maintenant depuis plus longtemps que leur sœur les protège de subir le même sort.

D'un autre côté, je réalise à quel point 2 ans, 6 mois et 30 jours, c'est court. En effet, lorsque je regarde mon petit dernier, j'ai l'impression qu'il vient tout juste de naître. Cette impression me ramène au douloureux constat que je n'ai pas pu être auprès de ma fille très longtemps. J'aurais tant voulu la voir grandir, comme j'ai la chance de le faire avec ses deux merveilleux petits frères. Je souhaite aussi ne jamais oublier l'importance de profiter le plus possible de chaque petit moment passé avec eux.