Chère belle-maman,
Cette année, j’ai eu un petit garçon, votre petit-fils et je l’ai appelé Caleb. Mon garçon est le portrait craché de son papa, votre fils, il a les mêmes traits et le même caractère. Un caractère doux et calme, digne d’un ange, qui ressemble à la description que vous faites souvent de son papa. Depuis sa naissance, je comprends mieux ce qui a pu habiter votre cœur de mère ces dernières années. Je comprends mieux les craintes que vous avez eu, lors de notre mariage, cette union entre votre fils et moi.
Vous aussi, vous avez eu un petit garçon calme et doux, et vous vouliez le protéger, comme moi avec le mien. Votre petit garçon a grandi, il a immigré en Tunisie alors qu’il n’avait que 17 ans. Vous l’avez encouragé, car c’était une bonne chose pour son avenir scolaire, mais votre cœur de mère à sûrement beaucoup souffert lors de son départ. Votre garçon, qui n’était pas encore un adulte, avait quitté le nid familial et lorsque vous avez enfin pu le revoir, il était déjà devenu un homme, mais c’était encore votre petit garçon et ça le restera toujours. Votre fils a continué de réussir dans ses études. La douleur devait peser lourd, mais la fierté, encore plus. Il a fait son chemin jusqu’à obtenir une bourse d’études au Canada, où il est parti, non sans crainte. Encore une fois, vous l’avez encouragé. Vous avez caché vos larmes et lui avez dit de partir. Votre cœur de mère avait mal de voir partir votre enfant, encore une fois, mais l’avenir de votre fils en dépendait. Alors, comme la fois d’avant, vous avez été forte.
Puis, il y a eu moi. Votre bébé, celui qui a encore 17 ans dans vos plus récents souvenirs, celui qui est si doux et gentil, ce bébé que vous rêviez de voir revenir très vite, vous a annoncé son histoire d’amour naissant avec une Canadienne. Vous, vous ne connaissiez quasiment rien du Canada, encore moins des femmes qui y vivent. Puis, sur moi, vous ne connaissez presque rien. Aucun moyen de se voir et lorsque vous m’avez au téléphone, c’est difficile de comprendre cette femme parlant avec un drôle d’accent.
Il y a 5 ans, lorsque votre fils et moi avions décidé de nous marier, vous avez eu des doutes, et je ne comprenais pas. Je comprenais que vous auriez aimé être présente, bien sûr, mais l’amour était si fort, je l’aimais votre fils! Mais je vous comprends maintenant. Si mon Caleb doit se marier avec une femme que je ne peux pas apprendre à connaitre et dont j’ignore tout de la culture, j’aurais peur, moi aussi. Peut-être même que je ne serais pas aussi forte que vous l’avez été, en fait, je suis pratiquement certaine que je ne serais pas aussi forte.
Aujourd’hui, je veux vous remercier de votre confiance, malgré la distance qui nous sépare. Je veux aussi vous remercier parce que votre fils est un homme extraordinaire et je sais que ça lui vient de quelque part. Je sais que votre cœur de maman a sacrifié beaucoup de choses pour le bonheur de cet homme, qui sera toujours votre petit garçon. Je sais surtout que c’est auprès de vous qu’il a appris ce qu’est l’amour, l’entraide et le courage. Votre fils, vous ne pouvez malheureusement pas le voir tous les jours, mais laissez-moi vous dire qu’il est devenu cet homme merveilleux que vous saviez déjà qu’il allait devenir, lorsque vous avez, pour la première fois, posé la main sur votre ventre rond.
De votre belle-fille qui espère vous revoir vite et vous présenter vos petits-enfants.