Avec la pandémie que nous vivons actuellement, j’observe que dans ma pratique comme travailleuse sociale, ainsi que dans mon entourage, plusieurs personnes vivent une augmentation de leur niveau de stress, allant parfois jusqu’à vivre de l’anxiété. Certain.e.s client.e.s m’ont fait part qu’ils ressentent de l’anxiété pour la première fois de leur vie, et se sentent démuni.e.s face à l’ampleur qu’elle prend dans leur vie. En effet, celle-ci devient la sournoise compagne des jours et des [semblant de] nuits de ceux.celles qui la vivent, finissant par avoir un impact négatif dans la plupart de leurs sphères de vie.

Elle se manifeste sous forme de pensées négatives qui envahissent leur esprit, en particulier lorsque celui-ci est moins occupé (dans la douche, en faisant la vaisselle, lorsqu’ils écoutent la télévision, avant de s’endormir, lors de réveils nocturnes, etc.). Ces pensées représentent des scénarios d’anticipation (projections dans le futur) ou de ruminations (retour dans le passé) qui prennent une proportion démesurée et qui les empêchent d’être dans l’instant présent. Elles peuvent tourner en boucle pendant des périodes plus ou moins courtes, un peu comme un hamster qui court dans sa roue et qui est particulièrement difficile à calmer. Ils/elles finissent par se sentir complètement épuisé.e.s face à toutes ces pensées envahissantes, et à long terme, cela peut même mener à un état d’épuisement ou de dépression. Alors, au vu des effets dévastateurs de l’anxiété, comment pouvons-nous atténuer son impact négatif dans notre vie ? Comment reprendre le dessus sur nos pensées et retrouver une vie normale ?

Reconnaitre les signaux d’alarme du stress

L’anxiété s’accompagne de sensations physiques particulières qui vous indiquent que quelque chose vous angoisse : montée de chaleur, sudation, augmentation du rythme cardiaque, respiration plus rapide et située au niveau de votre poitrine qui peut parfois s’accompagner d’une sensation de manque d’air, tensions dans les épaules ou le cou, maux de tête, et plus encore. Si vous portez attention à ces signaux d’alarme que votre corps vous envoie, vous pouvez arrêter les montées d’anxiété avant qu’elles ne prennent trop d’ampleur. Lorsque vous détectez des signaux corporels de stress, prenez le temps de vous recentrer sur le moment présent en vous concentrant sur votre respiration. Si la respiration n’est pas suffisante pour diminuer les sensations physiques de stress, vous pouvez également vous concentrer sur les perceptions que vous détectez avec vos sens : les bruits ambiants, ce que vous voyez, les odeurs, ce que vous pouvez toucher avec vos mains ou vos pieds. Vous pouvez les énumérer dans votre tête ou à voix haute, ce qui vous permet de reprendre contact avec votre corps plutôt que de vous perdre dans vos pensées anxieuses. Cet exercice vous permet de prendre un pas de recul sur vos pensées, ce qui est nécessaire quand l’anxiété prend le contrôle de votre esprit rationnel.

La respiration profonde ainsi que l’exercice des sens permettent également de convaincre votre cerveau que vous n’êtes pas en danger ici-maintenant, car le cerveau ne fait pas la différence entre un danger réel et un danger imaginé. Le corps réagit de la même façon aux 2 alternatives, soit en activant la réponse de survie (ou système sympathique), qui génère un grand déversement d’hormones de stress dans votre corps. Cette réponse de survie se calme uniquement quand le cerveau est convaincu que vous êtes en sécurité (activation du système parasympathique). Si le système sympathique reste activé longtemps, entre autres lorsque nous sommes exposés à du stress pendant une longue période consécutive, vous observerez l’apparition de divers effets secondaires : fatigue, insomnie, trous de mémoire, difficultés de concentration, diminution de la libido, variations d’émotions, migraines, haute pression, et plus encore. Il est donc important de se réserver au minimum un moment de plaisir ou de détente dans la journée pour relâcher la tension. Ces moments n’ont pas besoin d’être longs, et plus vous laisserez de la place à ces petits instants de plaisir dans votre quotidien, plus vous sentirez les effets bénéfiques sur votre santé mentale.

Prendre du recul face à nos pensées

Avez-vous déjà remarqué que nous n’avons pas vraiment le contrôle sur nos pensées, même si la plupart d’entre nous essayent très fort ? Faites le test. Essayez pendant 2 minutes de ne penser à rien. Que se passe-t-il ? Je serais prête à parier que tôt ou tard, une pensée surgit, que vous le vouliez ou non. Vous êtes-vous déjà dit « je ne dois pas penser à ça » ? Est-ce que cela a fonctionné ? Essayez-le ! Je vous mets au défi de ne surtout pas penser à un éléphant rose… Alors, à quoi pensez-vous?

Le problème, ce n'est pas les pensées en soi, mais plutôt l’importance qu’on leur accorde. Nous avons la fâcheuse tendance à croire ce que nos pensées nous disent. Mais si vous avez une tête un peu conteuse, vous vous rendrez probablement compte que la plupart des histoires qu’elle vous raconte feraient certes un bon livre de divertissement, mais que ces histoires se matérialisent rarement… Je demande souvent par curiosité à mes client.e.s anxieux.se.s d’évaluer à quel pourcentage les scénarios qu’ils s’imaginent arrivent tels quels dans la réalité. Souvent, ils vont me répondre un pourcentage se situant entre 5 et 20%. Je leur pose alors la question suivante : si vous aviez un ami qui vous racontait des histoires fausses 80% du temps, est-ce que vous continueriez à porter attention à ce qu’il vous dit ? Il en va de même avec les pensées anxieuses.

Il faut réaliser que notre tête n’est pas toujours notre meilleure conseillère, et donc apprendre à être critique envers ce qu’elle nous raconte au lieu de toujours la croire. Plus vous portez attention à vos projections ou vos ruminations, plus elles prennent de la place et deviennent plus grandes que nature. Quand une pensée négative retient votre attention, vous pouvez vous en distancer en vous demandant si cette pensée vous est utile ici et maintenant. Si ce n’est pas le cas, remerciez votre cerveau et recentrez-vous dans le moment présent plutôt que de nourrir l’anxiété. Évidemment, plus vous vous exercerez à prendre du recul sur les histoires que votre tête vous raconte, plus il deviendra facile d’éviter les pièges de l’anxiété, même s’il vous arrivera probablement encore à certaines occasions d’y céder sans vous en rendre compte. Le but n’est pas d’être parfait, mais bien d’apprendre à connecter avec votre corps et votre environnement le plus souvent possible au quotidien, d’apprendre de plus en plus à habiter le moment présent en pleine conscience, chose qui devient de plus en plus ardue en 2021 vu la charge mentale et nos vies très occupées.

Dresser une liste

Si vous avez de la difficulté à prendre du recul face à votre anxiété, vous pouvez aussi essayer de distinguer quelles sont les probabilités que ce que vous imaginez se produise tel que vous le pensez. Dressez-en une liste : votre pensée anxieuse au milieu d’une feuille, entourée de bulles contenant les autres scénarios possibles. Vous verrez que la plupart du temps, il pourrait arriver des milliers d’autres possibilités que celle que vous êtes en train de nourrir (et même plus encore que celles que vous arrivez à mettre sur papier). Même si vous essayez de planifier en détail ce qui pourrait arriver, finalement cela ne changera rien puisque vous n’avez pas le contrôle sur le futur. J’utilise souvent la métaphore suivante avec mes client.e.s : essayer d’avoir du contrôle sur quelque chose d’incontrôlable, c’est aussi utile que d’essayer de changer de bord le courant d’une rivière avec votre seule force physique. Je peux vous garantir que vous allez vous épuiser à l’effort, alors que la rivière va continuer à suivre son cours… Alors si une situation vous rend anxieux, identifiez sur quoi vous avez du pouvoir et quelles actions vous pouvez poser pour vous adapter. Agissez sur ces éléments, et tout ce sur quoi vous n’avez pas le contrôle. Il faut apprendre à l’accepter et lâcher prise pour éviter de gaspiller votre énergie sur un combat perdu d’avance. Vous savez, notre énergie est limitée et précieuse, il revient donc de la concentrer sur des choses qui sont vraiment importantes pour vous ici et maintenant. Ça, c’est utiliser votre énergie à bon escient !

En bref, l’anxiété est très insidieuse et peut toucher n’importe qui. Ses effets à long terme sont désastreux, que ce soit pour la santé physique ou mentale. Pour se libérer de son emprise, il faut apprendre à la reconnaitre lorsqu’elle tente de s’introduire dans notre quotidien, réaliser que notre tête n’est souvent pas notre meilleure conseillère et donc prendre du recul quant aux histoires qu’elle nous raconte et réapprendre à vivre le moment présent. 

En finissant, il n’y a pas de recette miracle pour vous débarrasser de l’anxiété dans votre vie : il y aura toujours des aléas de la vie qui vous
déstabiliseront, et vous ne pouvez certainement pas arrêter votre cerveau de penser (si jamais quelqu’un découvre un bouton on/off, veuillez SVP me contacter !) Cependant, vous pouvez choisir d’accorder moins de crédibilité à vos pensées anxieuses et vous concentrer sur ce qui est important pour vous dans le moment présent. Si vous le pratiquez un peu chaque jour, je vous promets que vous ressentirez rapidement l’effet libérateur du lâcher-prise et croyez-moi, on y prend goût !

N’oubliez pas que si vous ressentez des symptômes d’anxiété très intenses, il existe des professionnels pour vous outiller : vérifiez si vous avez accès à un programme d’aide aux employé.e.s gratuit à votre emploi, consultez les ressources communautaires de votre région ou votre CLSC local, adressez-vous aux différentes lignes d’aide ou cherchez un psychothérapeute en pratique privée qui peut vous accompagner dans vos difficultés. Parfois, la meilleure façon de s’aider soi-même est d’accepter qu’on ait besoin d’un coup de pouce externe…