L’autre jour, j’ai réalisé que je ne sais plus trop ce qu’il me reste de la petite fille que j’ai déjà été. Je suis encore jeune, ce n’est pas tellement ça le point, mais la semaine dernière, alors que j’étais coincée dans le trafic, je ne voyais plus les sortes d’animaux formés par les phares arrière des autres véhicules.
C’est con. Avant, c’était automatique. Les phares devenaient des yeux, les rétroviseurs des petites oreilles. Il y avait des derrières d’auto chat. Des derrières d’auto insecte. Des derrières d’auto girafe. Mais pas de derrières d’auto… d’auto.
Je n’arrive pas à me rappeler quand j’ai cessé de les voir. Quand l’insouciance a fait place à une marée de responsabilités se fracassant dans ma tête et qui m’empêche de laisser mon imagination vagabonder naturellement. Ça m’a poussé à réfléchir à toutes ces petites pertes de légèreté associée à ma jeunesse qui étaient survenues au fil des dernières années, de manière insidieuse, et qui ont forgé l’adulte un brin cynique que je suis devenue.
En grandissant, on dirait qu’on voit de plus en plus la moitié vide du verre. Tellement, que c’était comme si cette moitié prenait de l’expansion super rapidement, alors que l’eau demeure immobile. #AnxiogèneMuch
Ce n’est pas compliqué : je vois les problèmes arriver avant même que les problèmes sachent eux-mêmes qu’ils existent. J’essaye de prévoir l’imprévisible et d’avoir une solution pour un futur 100% théorique, qui n’a aucune garantie de se produire. Et ça occupe tellement mon esprit que je pense que c’est ça qui étouffe la petite voix d’enfant qui call les animaux formés par les phares des autos. Elle n’est plus audible, enterrée sous un tas de responsabilités et de what if.
Pis pourtant, l’autre jour, je retournais chez moi après le travail et le soleil était chaud, j’étais contente de ma journée et ma musique blastait dans mes écouteurs. Spotify a dévié de ma liste habituelle pour mettre une chanson des années 90 qui m’a rappelé ma jeunesse. Le genre de chanson que même si tu as oublié son existence pendant 20 ans, tu connais encore chaque parole, chaque petit solo de guitare, chaque petit back vocal (que t’arrives à faire en plus des paroles principales parce que the sky is the limit).
Ça m’a fait voyager dans le temps et revenir à une époque ancienne-pas-si-ancienne. Une époque où la slush n’était jamais trop sucrée. Une époque où mon plus gros struggle c’était de choisir quel livre commander dans le catalogue Scholastic. Une époque où un Méritas pour excellence académique m’apportait le même thrill qu’un gros retour d’impôts.
Avec cette chanson, tous les éléments étaient réunis, d’un seul coup. Je marchais vers mon condo, en grosse séance de lipsync, sans pouvoir m’empêcher d’imiter le drum avec des baguettes imaginaires. Je ne pensais pas à ce que j’allais faire pour souper. Ou à quelle facture je ne devais pas oublier de régler. Pendant les presque 3 minutes de mélodie, mes pas étaient plus légers, mes soucis camouflés par les notes familières et durant ce court instant, je peux presque jurer que je voyais à nouveau les animaux formés par les phares arrière des voitures que je dépassais.
Ça m’a fait réaliser qu’en dessous de toutes les couches d’adulthood qui recouvrent l’enfant que j’ai été, il y aura toujours une petite fille qui attend juste le bon beat pour se montrer le bout du nez.