Quand il est entré dans ma vie, j’étais une personne instable, brisée et apeurée. J’avais perdu tous mes repères. J’avais les deux pieds au bord du Grand Canyon. Il a pris son temps, un café à la fois. J’ai commencé à reculer de quelques pas.

Je faisais souvent un rêve. Je courrais, je m’époumonais, j’essayais de rattraper quelque chose ou quelqu’un que je ne voyais pas. Je ne savais pas ce que c’était, mais je me rendais malade à essayer de l’atteindre. Quand il est entré dans ma vie, mon rêve a changé. J’essayais de courir, mais quelqu’un me retenait doucement la main. Quelqu’un agrippait mon chandail l’air de dire : « reste ici, je suis là, tout va bien aller. »

Avec le temps, je me suis laissé apaiser par lui, j’ai ramolli dans ses bras, il me tenait, je me suis détendue. J’ai complètement oublié de me reconstruire. J’ai mis l’accent sur ses beaux yeux. J’ai rencontré sa famille, ses enfants. Je me suis ouverte à eux comme s’ils avaient toujours fait partie de ma vie.

Je suis de celles pour qui le bonheur d’autrui vaut beaucoup plus que le sien. Aimer, avoir des enfants, ça a donné un sens à ma vie. Prendre soin d’eux et les chérir, être maman, c’est ce qu’il y a de plus facile à faire pour moi. Quand je me suis mise à aimer les siens, j’ai ouvert les valves et j’ai perdu le contrôle. Je voulais prendre soin de chacun d’eux, corps et âmes, papa inclus.

Je me suis rendu compte que, peu à peu, il s’éloignait, mais je ne voulais pas y croire. Son amour pour moi s’envolait, mais je refusais d'y faire face. J’ai fermé les yeux et j’ai continué d’essayer fort de nous ramener en arrière. Je me suis accrochée aux plus beaux moments. Ces moments où j’avais le cœur gonflé à bloc et que l’amour me sortait par les oreilles. Mais espérer et faire comme si tout allait bien ne ramène pas les choses. On appelle ça du déni. Et si c’était un sport, j’en serais médaillée d’or aux Olympiques.

J’ai refusé de le laisser partir, une fois, deux fois, trois fois. J’ai bercé ses enfants (en cachette) à la garderie, les couvrant de baisers et reniflant leur odeur. J’ai tout essayé pour le retrouver quelques instants. Je lui ai même menti de sang-froid. Je lui ai dit que je ne l’aimais pas, que de l’avoir un peu dans ma vie par-ci par-là me suffisait. Que sa famille était une charge mentale que je ne voulais pas assumer. Tout ça, c’est un gros ramassis de conneries.

Je l’aime tant que, s'il veut partir, je le laisserai partir.