Dimanche matin, 7 h.

« Stéphaniiiiie, il est où mon iPad? ».

Hein? Quelle heure est-il? J’ouvre les yeux et je l’aperçois, le petit Poulet.

« Je sais pas, poulet, je sais pas… ».

Atchoum! Et me voilà aspergée du mucus nasal dudit Poulet. Nice.

Poulet se fraie un chemin sous les couvertures afin de venir se lover contre moi. Je souris d’aise devant ce revirement de situation douillet. Puis, je sens quelque chose sur mon sein. Sur mon mamelon, plutôt : la bouche de Poulet qui tente de téter.

Surprise, je lui demande de laisser mon sein tranquille, puisque, t’sais, « mon corps, c’est mon corps ». Il rigole. C’est vrai que c’est un peu drôle, d’autant plus que je ne suis pas sa maman, que je n’ai jamais eu de bébé dans mon ventre ni de lait dans les seins. Il se contente de se lover contre moi, sans aucune autre tentative d’abreuvement.

Un mercredi soir, 19h. Nous sommes collés sur le divan, regardant un film de…Pokémons. Pas mon choix ni celui de son père, vous vous en doutez. Mes yeux se ferment sous la fatigue de la journée, de la semaine, du mois, tiens, pourquoi pas. La fatigue accumulée + un film de Pokémons = sommeil rapide assuré. J’ouvre les yeux quand je sens que Poulet s’est emparé de ma main pour la mettre sur…son sexe (recouvert de ses bobettes, mais quand même). 

« Non, Poulet, ça, c’est ton pénis. Toi, tu peux mettre ta main dessus quand tu es seul, mais tu ne peux pas prendre la main de quelqu’un d’autre, d’accord? ».

« D’accord », répond-t-il sans même quitter Pikachu des yeux.

Un samedi quelconque, au sortir de la douche de son père.

« Wow, papa! Je vais toucher à ton pénis car le tien, il est développé alors que le mien, il a pas fini encore de se développer ». Et papa de lui répondre : « Non, Poulet, c’est mon pénis. Toi, tu as le tien ».

« Ah », balance-t-il, une pointe de déception dans la voix.

Puis, un autre dimanche matin, 10h, alors qu’on le reconduit chez maman, Poulet est assis sur cette dernière et sourit en soupirant : « Ah! Ça fait du bien! ». Son père, sa mère et moi le regardons et comprenons immédiatement : Poulet effectue un mouvement de va et vient sur la cuisse de maman.

« Poulet, ce sont des choses que tu peux faire quand tu es seul dans ta chambre. Pas sur les autres. OK? ».

Et il éclate en sanglots.

On le rassure, en lui disant qu’on ne le chicanait pas, que c’est normal, etc.

Parce que C’EST normal et à cet âge (huit ans pour Poulet, avec un soupçon d’autisme en extra), les enfants n’ont pas l’esprit sexualisé. Ils découvrent leur corps, les sensations qui y sont associées et nécessairement, peuvent éprouver du plaisir en stimulant leurs parties génitales d’une quelconque façon.

Plusieurs parents se sentent inconfortables devant cette découverte de leur enfant. Et pourtant : quoi de plus naturel que d’explorer son corps, de ses oreilles à ses orteils, en passant par son pénis ou sa vulve (oui, oui, bien que « zizi », « bistouquette », « minette » et autres noms soient mignons, « pénis » et « vulve » sont les vrais mots).

Seulement, il est important d’encadrer nos enfants dans cette exploration : « Quand tu es seul », « Quand tu es dans ta chambre », « Quand tu es dans ton intimité ». Car oui, c’est également ce qu’ils sont en train d’apprendre : la notion d’intimité.

Et notre malaise, dans tout ça, que veut-il dire?

Il veut peut-être dire qu’on a nous-mêmes, en tant qu’ex-enfant, reçu l’idée comme quoi la sexualité est « sale », « taboue »…surtout la masturbation (et surtout chez les filles! Mais ça, c’est une autre histoire.). Probablement qu’on recrée les paroles et regards dédaigneux qu’on a reçus de nos parents. Sûrement qu’on aimerait mieux garder nos enfants tout-petits, innocents, naïfs et purs. Mais en quoi la découverte de son corps vient-elle à l’encontre de ces qualificatifs?

Et n’oublions pas que les enfants n’ont pas l’esprit sexualisé comme le nôtre : ils ne font que découvrir, avec naïveté et candeur, tous les aspects de leur corps.

On a beaucoup à apprendre d’eux, finalement. Et si on a aussi envie qu’ils développent un rapport sain à la sexualité et à leur corps, pourquoi ne pas leur envoyer le message qu’il n’y a rien de honteux dans ce qu’ils font? À condition de le faire dans l’intimité…