Depuis que je suis père, je suis particulièrement sensible aux évènements qui affectent le genre humain, qu'importe son orientation sexuelle, politique, sociale. Comme si les hormones de grossesse de ma blonde m'avaient été léguées à l'accouchement avec la vague de liquide amniotique qui m'a éclaboussé les jambes quand monsieur V. a fait son entrée en scène. 

Je pleure plus facilement. Souvent. J'ai de la peine pour l'Homme avec un grand H. 

7 janvier 2015. 

L'année vient à peine de commencer. Je m'en vais diner après mon avant-midi de boulot. À la radio, on me parle d'un attentat dans un journal satirique à Paris, le Charlie Hebdo. J'écoute, attentivement parfois, moins à d'autres moments. On m'y parle de plus de dix morts, des grands noms de la caricature. 

Plus tard dans la journée, Josiane me partage cet article, où je lis le témoignage de Coco, dessinatrice qui confie qu'elle venait d'arriver au Charlie avec sa fille quand deux hommes cagoulés l'ont brutalement sommée d'ouvrir la porte qui était barrée. 

Et là, je suis sous le choc. Point.

Je ne peux m'empêcher de me figurer à la porte avec mon garçcon de 16 mois dans les bras, Kalachnikov à la tempe, me faisant menacer d'ouvrir sans quoi on me descendrait, mon garçon et moi. Mourir en héros en empêchant (pour combien de temps) les assaillants d'entrer? Ou sauver son enfant, sa vie?

J'aurais, moi aussi, ouvert la porte. 

Vivre dans la culpabilité, avec en acouphène, toujours, les coups de feu, vivre l'enfer au quotidien, après avoir vu de près le diable. Mais sauver son enfant. Sauver sa vie pour voir son enfant grandir. Je n'ai jamais été du type héros-pompier-policier pis toute, trop peureux pour ça, mais j'aurais ouvert la porte pour mon enfant.  

En soupant, je lis le billet de ma collègue Véronique: « Lettre aux mères d'enfants méchants ». Je frissonne, j'ai peur, ça me rend émotif. Les trois auteurs des attentats ont été des enfants, bercés, cajolés par leurs parents.

Chaque fois que je lis une nouvelle comme celle du Charlie, je ne peux que penser au monde dans lequel je laisserai, un jour, mon enfant seul. 

Un symbole de la liberté d'expression a été marqué au fer le 7 janvier 2015. Il faut se tenir droit, toujours debout. Il faut créer un monde dans lequel nous serons fiers des différences qui nous rendent uniques. Il faut faire pousser la tolérance en l'arrosant parfois abondamment et d'autres fois moins, d'autodérision.

Vous êtes en majorité parents si vous lisez ce texte. Apprenons donc à nos enfants à voir en l'autre la lumière plutôt que la noirceur. Apprenons leur à tolérer plutôt qu'à juger. Apprenons leur à être bon pour leur prochain. Apprenons leur l'humanité, et parlons de ces évènements tragiques, souvenons-nous ensemble.