C’était le printemps, j’allais avoir 15 ans. Cette journée-là, j’avais invité un ami à souper à la maison. En fait, je ne le connaissais pas tellement, mais son histoire m’avait touchée. Il m’avait raconté à quel point ses parents le maltraitaient. Bouleversée, je voulais lui changer les idées, lui offrir une oreille pour se confier.
 
C’était un charmant jeune homme : séduisant, grand, propre et poli. Il avait tout pour plaire aux dames de tous âges, moi y compris. Lors d’une balade où nous avions ri et discuté, il a pris ma main et m’a embrassée. Il parlait si bien. Pour la première fois de ma vie, j’étais amoureuse. À ce moment-là, j'étais loin de me douter que mon innocence allait s'envoler à la vitesse « grand V ». Aujourd’hui encore, quinze ans plus tard, ces souvenirs hantent mon sommeil régulièrement.
 
Il a suffi de quelques jours à peine pour que je me mette à pleurer. Les premières larmes qui, au final, auraient pu remplir un océan. Les mois suivants ont été une succession de moments malheureux : j’ai été victime de violence physique, sexuelle, psychologique et verbale. Le jeune homme que j’aimais était un vulgaire personnage, comme Dr. Jekyll & Hyde. Mon « amoureux » était un manipulateur, un pervers narcissique, bref, une personne toxique. Évidemment, il n’a jamais été maltraité par sa famille. Au contraire, ses parents le craignaient et le servaient comme un roi.
 

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Je ne raconterai pas tous les sévices que j’ai pu subir pendant ces 18 mois, car ce serait trop long, trop difficile. Passé maître dans l’art de la manipulation, il a réussi à m’isoler de mes amis, de ma famille. Il m’insultait constamment, il prenait un vilain plaisir à m’humilier, me rabaisser : ses mots faisaient mal comme un coup de masse. Il m’écrasait constamment pour se remonter, se sentir supérieur. Je n'avais absolument pas le droit d'être meilleure que lui dans quoi que ce soit.

Sa jalousie extrême m’étouffait : je ne pouvais pas prendre de bébé, flatter le chat qu'il m'avait offert ou même m’asseoir à côté de mon père sur le sofa. Aussi fou que cela! Pourtant, lui, ne se gênait pas pour me tromper : il a même essayé de séduire mes meilleures amies, sous mon propre toit.

Il m’a fait croire que, sans lui, je n’étais rien. Il me contrôlait comme un pantin. Ma joie de vivre avait disparu pour laisser place à la peine et à la peur. Je craignais les représailles, je culpabilisais pour tout ce que je n’avais pas fait. J’étais devenue l’ombre de moi-même. Lorsque je menaçais de partir, j’avais le droit au chantage émotif, à des menaces de suicide. Il s'excusait et, parfois, il pleurait.
 

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Habituellement, étant une fille de caractère, j’ai eu honte. Tellement honte de l’avoir laissé avoir cette emprise sur moi, de l’avoir laissé me détruire. Ça m’écœure de lui avoir accordé une importance qu’il ne méritait pas, de l’avoir aimé. Je m’en veux toujours, même après toutes ses années, de ne pas l’avoir dénoncé, de l’avoir protégé. Il me dégoûte et je suis encore incapable de lui pardonner.

Il a essayé de me recontacter et m’a espionné et, ce, pendant des années. Il y a quelques mois, j’ai vu, dans le journal, qu’il avait été reconnu coupable d’avoir menacé sa conjointe avec une arme à feu de haut calibre. J’ignore qui est cette fille mais, sincèrement, je suis fière d’elle. Je lui suis tellement reconnaissante de l'avoir fait arrêter. Merci de l’avoir dénoncé. Merci de ne pas l’avoir laissé gagner une fois de plus. C'est un gars dangereux, profondément malade et perturbé.

Le positif dans cette triste histoire est que j'ai eu ma leçon. Plus jamais je ne me ferai traiter de cette façon.
 
À suivre : Hommage à ces personnes qui m’ont aidée à m’en sortir.
 
Et vous, avez-vous déjà croisé le chemin d’une personne toxique?