Je n'avais jamais réfléchi plus qu'il faut aux denrées non périssables qu'on dépose dans les différentes boîtes de dons à l'approche de Noël. Je me disais bah, une canne c't'une canne. « Ils » vont s'arranger avec ça, « ils » étant un concept flou de gens que je ne connais pas. Je n'ai jamais pensé longuement à « eux ».

Mais cette année je suis passée de l'autre côté du miroir. Parce que ma séparation m'a laissée dans une dèche financière pas possible, j'ai dû utiliser les paniers pour nourrir mes enfants une partie de l'année, et je recevrai un panier de Noël pour familles en difficulté. Ce n'est pas pour faire pitié que j'écris ça, mais pour qu'on se sensibilise collectivement à ce qu'on offre à d'autres familles. Des familles juste à côté, qui en arrachent, qui sont en détresse, qui ont l'énergie et la créativité dans le troisième sous-sol. Des parents - statistiquement davantage des mères - qui doivent composer avec ce qui est offert pour créer des repas équilibrés pour leur maisonnée.

C'est le yogourt qui m'a fait prendre conscience qu'avant, je vivais dans l'abondance. Avant, j'étais lousse du yogourt. Qui était grec, évidemment. Les enfants veulent en reprendre? Qu'elles en reprennent! Maintenant, mon yogourt est pas grec. Mon yogourt est celui en spécial, plein d'additifs et liquide comme de l'eau. Et je compte les portions. Parce qu'il faut en laisser pour demain, et le lunch, et le souper... Ma calculatrice mentale se fait toujours aller. C'est mon nouveau barème. Je saurai que je suis retournée dans l'abondance quand j'arrêterai de badtripper quand mes enfants me redemanderont du yogourt.  En attendant, je complète l'épicerie avec ces denrées qui apportent un méga « ouf » dans le budget... mais aussi leur lot de défis.

Dans mes paniers j'ai reçu assez de cannes de pois chiches pour me partir une business d'hummus, alors que mes filles tirent la langue chaque fois que je leur en sers. J'ai aussi reçu des nouilles, du Kraft Dinner et du beurre de peanut pour les 3 prochaines années! Ce n'est pas que ce n'est pas apprécié, au contraire et il y a bien sûr des gens qui meurent de faim dans le monde.

Mais ce qui est accueilli comme une surprise, ce sont les collations pour les lunchs (des barres tendres sans noix! Des compotes!), les fruits séchés, les boites de céréales, les cannes de thon et de saumon, la sauce à spag mangeable, les barres protéinées, le café et les articles qu'on rachète toujours comme du savon, du papier de toilette et de la pâte à dents. Et si quelqu'un glisse un petit chocolat bio-équitable, on ne va pas lui en vouloir hein? À la fleur de sel svp, merci.

C'est que quand tu rushes de tous les bords, ces petites douceurs sont le summum. Je reçois aussi quelques produits frais comme des fruits, des légumes et du yogourt, parce que les paniers sont complétés avec des denrées provenant de Moisson Montréal. Leur faire un don pour s'assurer qu'une mère qui en arrache puisse mettre du yogourt sur la table et s'exclamer « reprenez-en! » telle une Marie Antoinette qui distribue de la brioche, c'est peut-être une vraie façon de transmettre la magie des fêtes.