On ne comprend pas qu’on doit encore avoir ce genre de discussion, mais comme la situation prend une proportion vraiment effrayante, on va utiliser notre plateforme un p’tit 5 secondes pour remettre certaines pendules à l’heure.

L’avortement devrait être UN DROIT pour toutes les personnes qui possèdent un utérus. Pis là, si on vivait dans un monde idéal, on n’aurait plus rien à rajouter après ça. SAUF QUE, en ce moment, on vit un peu dans une époque dégueu qui essaie de contrôler le corps des personnes avec un utérus, comme on peut le constater avec ce qui se passe aux États-Unis. On a regardé ça aller chez TPL Moms pis nos cœurs se sont brisés probablement un milliard de fois en pensant à nos compatriotes américaines, mais on se consolait (mettons) un peu en se disant qu’au Québec et au Canada, on est assez safe (pour l'instant du moins).

EH BIEN NON. Aujourd’hui, c’est la sortie du film Unplanned. Pour les personnes qui n’ont pas suivi le débat, Unplanned est un film – de marde – sur comment une militante pro-choix, Abby Johnson, a retourné sa veste après avoir assisté à un avortement qui l’a traumatisée parce qu’elle a vu un le fœtus de 13 semaines se « battre pour sa vie », selon ses dires…

On va commencer par dire une affaire MÉDICALEMENT confirmée. Un fœtus ne ressent pas la douleur avant 24 SEMAINES puisque ses terminaisons nerveuses ne sont tout simplement pas formées avant ce stade. C’est donc un peu lol que l’histoire sur laquelle est basé le film n’est même pas scientifiquement accurate.

Deuxième affaire, des journalistes du Texas Monthly ont retracé un statut Facebook écrit par Johnson le jour de son « horrible expérience » l’ayant mené à la démission. Le statut va comme suit : [traduction] « Bien. Voici la situation. Je fais le travail de deux personnes à temps plein depuis deux ans. Je me suis fendu le cul pour eux, je les ai fait passer avant ma famille, mes amis et presque tout le reste de ma vie, et ils ont le culot de me dire que mes rendements professionnels “glissent”. QUOI ??? !!! C’est fou. Quiconque me connaît sait à quel point j’étais investie dans ce travail. De toute évidence, ils ne m’accordent aucune valeur. Donc, je pars et je me sens vraiment bien ! ».

Aucune mention du fœtus qui « luttait pour survivre »… Et surtout, pas de trace de ce fœtus dans les registres de la clinique où travaillait Abby Johnson le jour de l’événement. Aucun fœtus avorté n’avait plus de 10 semaines ce jour-là.

Maintenant qu’on a assez facilement détruit toute l’histoire sur laquelle se base le film, parlons de pourquoi c’est DANGEREUX qu’il soit projeté dans plusieurs salles de cinéma au Canada.

C’est dangereux, car ça ramène un débat qu'on voudrait qui appartienne au passé, surtout pendant une année d’élections fédérales au Canada. Ça fait 30 ans que l’avortement est décriminalisé au pays et un film comme Unplanned a le pouvoir de faire de ce sujet un cheval de bataille politique.

Vous pensez qu’on est 100% safe au Canada? Non. Nous ne le sommes pas. Il y a un mouvement anti avortement qui grossit de jour en jour et quelques politiciens canadiens prennent même publiquement la parole contre la procédure médicale. En plus, l'avortement est décriminalisé, pas légalisé; ce n'est pas un droit acquis et c'est pour cette raison, entre autres, que l'accès y est si difficile, surtout à l'extérieur des grandes villes.

Alors pour nous, c’est inconcevable de voir Cineplex et Guzzo se ranger derrière des arguments comme la « liberté d’expression » et la « diversité des opinions » pour défendre leur décision de projeter le film.

L’avortement, ce n’est pas une question d’opinion. L’avortement, c'est une question de désir de contrôle du corps de la femme ou des personnes qui ont un utérus. Point final.