À toi ma belle amie,

On ne se parle plus aussi souvent, non parce qu’on ne tient plus l’une à l’autre, mais parce qu’on ne sait plus trop comment agir l’une envers l’autre.

Tu me vois sur mon petit nuage, mariée avec deux enfants, et ça te fait mal.

Ne pense pas que je suis fâchée contre toi, au contraire, je te comprends. Je vis exactement (ou presque) la vie que tu désirais alors que je ne voulais rien savoir de tout ça il n’y a pas si longtemps.

Alors que j’étais sur le point d’accoucher de ma première, tu as découvert une petite surprise qui s’était logée dans ton ventre. Tu étais heureuse et je l’étais aussi. Nos enfants allaient avoir le même écart d’âge que nous. On s’imaginait déjà des enfants aussi complices que nous, aussi tannants.

Et puis, tu as eu peur. Peur de tes douleurs, peur de tes saignements et j’ai essayé de te calmer, de te réconforter du mieux que je le pouvais sans grand succès. J’étais incapable de t’aider comme je l’aurais voulu, car je ne savais pas trop de quoi je parlais et que ta tête avait déjà mieux compris ce qui se passait que le reste d’entre nous.

Tu l’as ressentie, cette douleur, cette tristesse, seule dans une nuit de mi-décembre; le vide qui habitait maintenant ton ventre. Je ne te l’ai pas dit, mais je t’ai trouvée courageuse. Tu vivais un cauchemar que je ne pouvais pas - que je ne voulais pas - essayer de comprendre ou m’imaginer vivre. J’ai essayé de trouver les bons mots et de t’apporter le support dont tu avais besoin. J’étais prête à vaincre toutes les crises, les refus, les gens qui t’en parlaient gauchement.

Après presque un an, tu es encore en deuil et c’est correct. Tu as vécu la dernière année drôlement, anticipant les milestones de ta grossesse et ton accouchement que tu aurais vécu si ta vie n’avait pas chaviré. Tu as pris congé la journée où tu étais censée accoucher, pour toi, pour lui rendre hommage à ta façon.

Je sais que tu appréhendes encore ce décembre. Tu as passé le dernier temps des Fêtes en rage avec le vide qui s’était installé dans ton ventre. Cette année n’y fait pas exception; tu rages contre ce vide dans tes bras.

Je ne sais pas si cette douleur va partir totalement un jour, même lorsqu’une autre belle surprise reviendra habiter ton ventre. C’est correct et c’est correct que tu ne veuilles pas oublier. Je te donne le même conseil que l’an passé; pense à toi avant tout, ne te brûle pas dans le temps des Fêtes et ne te force pas. Tu as le droit d’être heureuse comme tu as le droit d’être fâchée. Tu as aussi ma permission de répondre aux commentaires que tu vas trouver déplacés, je peux même te fournir des répliques d’avance.

Tu as été et tu es toujours courageuse, je t’admire d’avoir passé à travers de tout ça. Tu es belle malgré toute ta peine. Tu le sais, je ne suis toujours là pour toi, à un message ou un appel de distance.