Noël arrive, avec son lot de folles folies. La sentez-vous? L’odeur des Fêtes, des excès. La perte de repères et de routine, un tantinet souhaitée, question de sortir du moule de la maternité et de se délecter des traditionnels pâtés. Neige ou pas neige, on a le cœur en fête. Ça sent l’hiver et les effluves de parfum de matantes.
 
Préparez vos lingettes, chers parents; imminent décapage de rouge à lèvres en vue, sur les bajoues de vos mignons déjà rougies par l’excitation et le sucre à foison.
Ffffffffff. L'entendez-vous? Un vent de magie souffle sur chaque maisonnée, m’essoufflant au passage, m’insufflant aussi de goûter aux festivités, même si exténuée. Ffffff. Serait-ce plutôt un vent de soupirs démesurés, que je chantonne entre deux « vive le vent » cadencés?
 
Un peu d’ironie, mais surtout beaucoup d’anticipation, pour une maman défrisée par le quotidien fou, frisant parfois l’agonie, froissée par l’organisation complexe des fêtes à venir. Je vois cette période à la fois comme une délivrance ; des bras de plus, de la bouffe à pâmoison, des enfants qui s’amusent sans besoin d’animation. À la fois comme trop d’effervescence pour ce que peut contenir ma tête étourdie par le train-train quotidien. Je sais, toujours cette même rengaine, que je dégaine sans filtre, sans frein. Que suis-je en train de devenir? Chialeuse? Certes. La reine même. Si j’étais un homme, on me catégoriserait d’exigeante? Genre, genrée à l’os. 
 
Ô ciel. Mais qui suis-je pour me plaindre? N’est-ce pas là LE moment de l’année où réjouissances et abondance sont promises? En cette période de reconnaissance, de partage et de lumière, je pense à ceux et celles qui en ont plein les bras et qui ont bien moins que moi. Noir Noël pour certains. Pas pour nous. Pas pour moi. Quelle chance, assombrie par ma perspective maternelle épuisée. Je ne peux m’empêcher de noircir ces lignes virtuelles de vitupérations libératrices, à l’approche de Noël.
 
À l’image de Saint-Nicolas, laissez-moi vider mon sac rouge .. de plaintes mal placées. Ça me fait grand bien, de partager. Voilà. Je peine à manger, m’habiller et m’assoupir. Le strict minimum, quoi. Faute de temps. Faute de choix. Complainte inutile d’une maman phoque qui se « fuck » trop souvent d’elle-même. Mes besoins de base peinent à être satisfaits. Et je trouve à me plaindre du seul besoin que j’ai la chance de pleinement combler, à l’instar de d’autres familles: me loger.
 

Je trouve à redire de mon chez-moi, bordélique, en manque d’amour et de soins. Et que dire de cette décoration qui traîne de la patte, loin d’être similaire à Wayfair. J’y vois les défauts et les miens, par le fait même. Mon inaptitude à gérer, nettoyer et réparer me saute aux yeux. J’y suis séquestrée depuis si longtemps, faute de survie, de siestes essentielles de bébé et d’un portefeuille allégé. Je sacre après cette même maison, à qui je consacre des heures de rude labeur, à faire le ménage dans le beurre et qui, pourtant, loge chaleureusement notre famille en manque de rien, et surtout pas en manque de beurre. Je me plains la bouche pleine.

Alors je redonne, ici et là, à la société ou à une occasion inopinée. N’est-ce pas là l’essence même des Fêtes? Et si j’osais un peu de générosité envers moi-même, cette année? Ça ferait du sens?

Noël est aux antipodes de la maternité et des restrictions quotidiennement imposées par la marmaille désorganisée. Et si je me choisissais, pour une fois? Me nourrir ad nauseam, question de faire le plein de bonnes choses, sans penser à la vaisselle ou à la cellulite. Grande mascarade de mascara pour déguiser ma face déconfite, question de me façonner un portrait qui ranimerait un peu de fierté féminine égarée. Prendre un moment pour vêtir mon corps difforme de vêtements à des miles de l’option joggings. Paillettes ou pas paillettes? En tout cas, celles qui scintillent dans les yeux de mes cocos enchantés me font oublier les millions de sacs et le parc à empaqueter. « N’oublie pas, leurs petits soulieeeeers ».

Tiens, je viens de réaliser que le pantalon de jogging pourrait être finalement de mise et pleinement se justifier, en cette période de festivités. N’est-ce pas là le vêtement adapté à la course effrénée du temps des Fêtes? Nahhh. Je me dois bien ça; un peu d’élégance, pour me sortir de ma transe. Pourquoi pas une belle petite robe noire; parfait essuie-tout pour nez enrhumés et petits doigts poudrés de sucre à glacer. Mmmm les beignes de grand-mère.

J’ai le cœur à la fête. Pas le corps. Mais comme chaque année, depuis que les enfants sont arrivés, je me régale sans culpabilité, remercie la vie de me donner un entourage si attentionné, donne au suivant et prends quelques instants pour décorer et égayer ma face et le reste de notre imparfaite maisonnée, question de ranimer l’enfant endormi en moi et la femme chanceuse que je suis, aujourd’hui.