J’étais dans l’autobus récemment, et j'écoutais parler deux femmes sur les peines d’amour amicales et une bulle a explosé dans mon cerveau. Comme si ça faisait des mois que je la ressentais et la vivais sans jamais pouvoir mettre le doigt dessus. Et là, mes pouces brûlaient à force de vouloir capter au plus vite toutes mes pensées sur mon application aide-mémoire de téléphone (pas exactement l’éditeur de texte le plus sophistiqué).

Si je savais écrire, jouer ou chanter la musique, j’aurais peut-être composé une chanson sur ma peine d’amour amical – comme d’autre ont su le faire avant moi –, mais je ne sais pas faire ça, alors c’est sorti en mots, en mots décousus, qui s’empilent les uns sur les autres à une vitesse prodigieuse.

Me voici, à trente ans, avec une fille de 16 mois et un pas mal bon chum, ne m’ayant jamais sentie si peu par moi-même – pour s'ennuyer de notre espace personnel, il n'y a rien comme une enfant qui pleure à la porte quand tu veux faire pipi parce qu'elle s'imagine que tu l'abandonnes pour toujours – et pourtant, jamais je ne me suis sentie aussi seule.

Ma vie d’avant bébé, celle qui était remplie et comblée par ce que j’aimais appeler ma « famille choisie » a disparu. Personne n'est mort et je leur parle encore, mais ce n’est pas ma famille; du moins, ce ne l’est
plus. Ça fait maintenant plus d’un an que je vis avec ce deuil-là, alors j'imagine que j'ai un certain recul face à la situation (même si je ne comprends pas encore parfaitement ce qui s'est passé).

J’avais un groupe d’amies très proches avec qui j’entretenais des relations intenses, aussi joyeuses que dramatiques, et ce, depuis plus de 20 ans pour la plupart d’elles. Ce n'était pas un cercle immense; 5-6 bonnes amies et une douzaine d’autres moins proches, mais tout aussi précieuses, toutes différentes, mais pareilles à la fois. Loud, pleines d’opinions et de contradictions, drôles, sensibles.

Peut-être que j’ai un peu contribué au problème, en y pensant avec du recul. J’étais tellement comblée par leur amitié que je n’ai jamais vraiment permis à quiconque d’autre d'entrer dans mon cercle. Rien de mesquin ni même de conscient, mais quand tu ne donnes déjà pas assez à celles à qui tu aimerais tout donner, tu n'ouvres pas la porte à d’autres. En tout cas, c'est ce qui est arrivé pour moi.

Puis, un jour, je suis tombée enceinte. Tout le monde était bien heureux pour moi, je me sentais appuyée et aimée. Et graduellement, ça s'est estompé. L’effritement lent de ces relations n'est pas une histoire simple, ni même unique. Mais le résultat est le même: le cercle sur lequel je comptais tant n'existe plus.

Je suis en crise identitaire – c’est vraiment dur devenir parent – et personne n'est là. Je ne veux pas faire chanter les violons. Personne ne m’a abandonnée, mais les priorités sont ailleurs. Et même si je pense avoir été là lorsqu'elles en avaient besoin, c'est comme si mon besoin à moi n'existe pas à leurs yeux.

J’ai lu Les tranchées de Fanny Britt récemment, livre offert gentiment par une de ces amies que j’aime avec qui j’ai une relation compliquée, et s’il y a bien un message que j’ai retenu, c'est qu'il existe plusieurs expériences de la maternité.

De mon côté, je ne me suis pas soudainement retrouvée dans une situation où mes amies ne « fitaient » plus dans ma vie, mais j'ai l'impression que je ne « fitais » plus dans la leur. Surtout dès le moment où je ne pouvais plus être aussi spontanée pour faire des plans ni me coucher tard ou quand mes problèmes sont devenus trop liés à la gastro et à la garderie.

Mais malgré tout, j'ai toujours eu l'impression d'être demeurée la même personne; je ne suis pas un être différent parce que je suis mère. Mais j'ai dû apprendre à compter davantage sur moi-même que sur les autres et à garder mes peines, mes craintes et mes bonheurs pour moi, vu mon cercle qui est devenu vraiment très petit.

J'ai l'impression qu'on m'a mise dans une petite boîte; la boîte de ces personnes qui décident de faire des bébés, à côté de la boîte de ceux et celles qui ne sont pas rendus là ou désirent autre chose de leur vie. Pourtant, je ne sais pas si je me sens à l'aise dans cette boîte. Oui, j'ai un enfant, mais je ne me sens pas non plus comme une espèce de Stepford Wife. Je suis blessée qu'on m'ait mise dans une boîte que je trouve trop petite et pas du tout personnalisée; je suis plus qu'une mère.

Mais le problème avec les amis et cette famille qu'on choisit, c'est qu'elle doit nous choisir en retour. Je les avais choisies il y a si longtemps, lorsque j'avais entre 5 et 10 ans, et je croyais notre lien fort, de par son ancienneté. Mais même en continuant de les choisir... je n'ai pas l'impression qu'elles en font de même pour moi.

Ce texte nous a été envoyé par une lectrice. Vous avez aussi une histoire à partager?

Écrivez-nous au info@tplmag.com