Je t’aime, je ne t’aime plus, je t’aime, je ne t’aime plus. J’effeuille une marguerite, profitant de cet instant de douceur pour donner à fiston une leçon de mathématiques (1,2,3...). Les pétales tombent.

Mes enfants aussi, à répétition, dans la rue. Mariage estival attendu, entre l’asphalte et la peau d’enfant toute crue! Hop! On fait bec-et-bobo et on remonte à vélo.1,2,3 ... c’est reparti! Mes yeux de mère aguerris guettent la prochaine chute, avec en fond de paysage, des pissenlits à perte de vue.

Le sol revêt les teintes du soleil. Mes iris se contractent devant tant de lumière. Je devrais m’émerveiller, sans retenue ni modération. Et pourtant, il y a un je-ne-sais-quoi qui module négativement mon esprit à la vue de ce parterre jauni. Au tréfonds de mon être, j’ai en souvenir un dédain, un mal-être. Je n’arrive pas à mettre le doigt sur le pourquoi.

Mon fils me cueille tendrement un pissenlit. En souffle, du bout de sa bouche en cœur, un autre aux volatiles morceaux ouatés. Je regarde les morceaux s’éparpiller, au gré du vent. De doux effluves floraux chatouillent mes nerfs olfactifs. Je plisse du nez; réflexe acquis, sans justification valable. Mon cerveau me dicte que le pissenlit devrait éveiller en moi un air malade. Comment peut-on physiquement riposter devant tant de légèreté? Je n’en ai pas la moindre idée. Aucun choc post-traumatique n’explique ma répulsion botanique.

Mais c’est quoi, cette histoire de pissenlits qui, socialement, nous horrifie? Qu’on m’explique, cette intimidation ciblée sans pondération! Depuis quand le pissenlit a-t-il été relégué au rang des mauvaises herbes? Pour quelle raison le pissenlit a-t-il pris le poste de rejet de la société florale? Qu’est-ce qui explique le désintérêt, voire même le mépris, envers cette plante colorée et sans défense?

Je pense encore au sourire coquin de mon 4 ans, les mains garnies de pissenlits, cueillis en toute naïveté. Des secrets bien gardés dans son dos, en offrande à sa maman chérie. Je feins la satisfaction. Mais pourquoi donc? Je le laisse m’offrir un bouquet de ces vives fleurs, sans piétiner ses bonnes intentions, sans chicaner sa récolte faite de bon cœur et sans heurts (apparents).

On ne laisse pourtant pas nos enfants, normalement, cueillir toutes les fleurs au gré de leurs humeurs, question de préserver l’intégrité de notre aménagement paysager. On se soucie des bris de notre nature choisie et de l’apparence de nos plates-bandes entretenues. On donne de la valeur à toutes celles que l’on plante là où elles se doivent, arrosées, appréciées, chouchoutées. On permet à celles volontairement choisies d’exister, sans être coupées par de petites mains à la volée.

Le pissenlit aurait donc une vie à moindre valeur, par rapport à ses florales consœurs? Est-ce leur grand nombre et leur renouvellement infini qui justifient ce manque de courtoisie? Je suis emmêlée dans mes valeurs à inculquer. Cueillir ou ne pas cueillir. Aimer ou ne pas aimer.

Je ne sais que féliciter mon trésor pour ses dons tendres et généreux et son ouverture à la beauté de cette fleur sans prétention.

 
Crédit:Crédit: Émilie A.