C'est arrivé dans une nuit pluvieuse de juin. Sans avertissement, violemment, fracassant tout. Puis, c’était terminé. Plus rien. À peine 18 semaines et 3 jours de vie. On n’avait aucune chance, mon bébé. Tu étais trop petit. Tu n’as même pas eu le temps d’avoir un prénom. Pourtant, le vide que tu as laissé dans mon ventre était proportionnel au grand trou qui a fissuré mon cœur. 

J’en suis d’abord venu à la conclusion que le temps allait être mon seul allié. Puis, que le baume créé par l’arrivée de mes deux autres petites filles allait être suffisant. J’ai même fini par croire ceux qui me disaient que tu ne comptais pas vraiment. Parce que c’était un peu ma faute après tout. J’étais trop jeune pour être ta maman et je n’ai pas su demander de l’aide à temps.

Finalement, après huit ans à cacher ma détresse dans le cinquième sous-sol du déni, j’ai hurlé pour qu’on me vienne en aide. J’avais maintes fois essayé de me rapiécer le cœur toute seule, mais il y avait trop de morceaux à rabouter.

L’aide en question s’appelait Diane. Trois heures, que ç'a pris. Trois longues séances à me délier les nœuds qui me tenaient le cœur en place. À extirper chaque petit bout de culpabilité qui avait pris racine pour devenir un grand jardin. À colmater le deuil qui tardait à se faire à force de le garder vivant jour après jour. À comprendre que rien de tout ça n’était ma faute ; j’étais jeune et je n’avais aucune ressource autour de moi pour m’aider à gérer cette situation. Que rien ni personne n’aurait pu m’éviter les ravages de cette tempête.

Mais je te rassure, je vais mieux. Je vais même très bien. Tu es avec moi, partout, tout le temps. Ma cicatrice la plus douloureuse, mais la plus précieuse. Plus personne ne la remarque. Moi, je me suis seulement habituée à sa présence et à ton absence. Elle est marquée sur mon corps mais, toi mon petit garçon, tu le seras à jamais dans mon cœur. 

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