Ce texte est la suite du magnifique billet publié le 26 février 2020: « Toi, ma fille que j'ai laissé partir »

On est resté dans la chambre d’hôpital plusieurs heures. Tu es restée dans mes bras le temps de prendre quelques photos, qui, presque un an plus tard, n’ont pas encore été regardées.

Puis, on t’a amenée à la morgue. Je pouvais demander de te revoir à tout moment, mais c’était trop difficile.

Au loin, on entendait les autres bébés venir au monde, pendant que nous, nous venions de te donner tes ailes.

Il fallait aussi déjà penser à ce qu’on allait faire de ton petit corps. Nous pouvions laisser l’hôpital gérer ça, et te mettre dans une fosse commune, ou appeler un centre funéraire pour qu’il s’occupe de toi. La décision ne fut pas trop longue à prendre: je voulais tes cendres et les tiennes uniquement. On a donc pris rendez-vous avec un embaumeur pour qu’il vienne te chercher.

Quand toute la paperasse a été complétée, on nous a remis une petite boîte qui contenait la doudou dans laquelle on t’avait mise, ton petit bonnet, ton minuscule bracelet d’hôpital, puis l’empreinte de tes mains et de tes pieds. À ce jour, je peux compter sur les doigts d’une main le nombre de fois que j’ai pu ouvrir ta boîte. C’est comme si chaque fois que je l’ouvrais, je devais à nouveau panser ma blessure, notre blessure.

En sortant de la chambre, j’ai croisé le regard d’une mère qui marchait pour faire progresser son travail. Si vous aviez vu l’incompréhension et la douleur dans ses yeux. En un instant, elle a compris ce que nous venions de vivre: une mère sans enfant à ramener à la maison.

Le trajet dans l’auto s’est fait dans un des silences les plus lourds. En fait, il est assez flou dans mes souvenirs.

En arrivant à la maison, pour mes autres enfants, je n’ai été absente qu'une journée. La vie continuait son cours. Mais moi, j’étais sur le pilote automatique. Je ne pouvais plus rien ressentir, plus rien que le vide au creux de mon ventre, j’étais trop anéantie.

Les jours ont passé. On a dû aller chercher tes cendres au salon funéraire. Ma grande fille a demandé d'y aller avec son papa. Rendue sur les lieux, dans le bureau de l’embaumeur, on lui a expliqué que les cendres de sa petite sœur s’y trouvaient. Elle s’est tournée vers son papa et lui a demandé si elle pouvait te bercer, comme si tu étais réellement là. « J’ai envie de pleurer... », a-t-elle dit, la voix chevrotante. C’était tellement empreint de tendresse et d’amour pour une petite sœur qu’elle n’a pas connue et qu’elle ne connaîtra jamais. Aujourd’hui encore, il lui arrive de me demander de te bercer, ce que je lui accorde toujours sans broncher.

Les jours, les semaines puis les mois ont passé. Ton anniverciel approche à grands pas. Le premier cycle est presque terminé. Je suis en train de revivre tous ces derniers instants que l’on a vécus ensemble. Le doute, la culpabilité, la colère, la tristesse, l’incompréhension sont les sentiments qui m’habitent.

Ton court passage dans nos vies aura laissé un trou béant. Toi qui t’es envolée avec un bout de moi. Un jour, je serai à nouveau complète. D’ici là, nous allons t’admirer dans ton ciel étoilé. Toi, mon étoile filante.

Crédit:Anonyme

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