J’ai grandi dans la violence. Physique et verbale. Surtout verbale.

Parfois, l’exigence d’un père frise la brutalité. Parfois, le perfectionnisme d’un parent rend les mots durs, voire cinglants.

Trop souvent, ça brise le dedans.

Mes sœurs et moi, pourtant toutes aujourd’hui heureuses, indépendantes et fières, vivons avec des cicatrices mentales. Nous sommes scarifiées par en dedans. Nous vivons avec la peur de déplaire, la culpabilité, l’insécurité et un perpétuel sentiment d’insuffisance. Nous avons toutes cheminé, consulté, pardonné même, à notre façon.

L’amour triomphe. L’amour se transmet. L’amour conçoit.

Me voilà donc maman. Sans grand amour propre, certes, mais pleine d’amour en banque. Nous avons conçu un fils, mon conjoint et moi. Merveilleux, par-dessus le marché. Nous l’aimons viscéralement, ce petit être criblé d’un Y chromosomique . Nous le vénérons, cet enfant affublé d’un petit bout anatomique de plus que sa double X de maman.

Mais il s’agit d’un réel défi, en ce qui me concerne, d’élever un bambin masculin, respectueux de la femme, soucieux du bien d’autrui. Un petit bonhomme qui ne piétinera ni sa mère ni sa sœur. Un petit bout d’homme qui ne lèvera pas la main ou ne lessivera pas son prochain. Parfois, je crains que mon cerveau déraille et se remémore les failles paternelles. J’ai peur de lever le ton, de déraper. Je n’ai jamais eu la moindre once de violence dans l’ADN. Mais qui dit que le code génétique n’explose pas, une fois dans la trentaine? Et qui dit qu’aux antipodes de la sévérité, je ne deviendrai pas parent roi de la mollesse et de la souplesse?

Chose certaine, j’ai choisi de faire équipe avec un mari exceptionnel, empreint de douceur, de patience et de respect. Il sème l’exemple à notre fils, me réconcilie même avec la testostérone. Il nous arrose, notre fille et moi, de compliments. Alors à ses côtés, on pousse joliment.

Je suis allée chercher de l’aide professionnelle en sus, pour pallier mes démons intérieurs qui, parfois, veulent me marcher dessus. Il n’est jamais trop tôt ni trop tard pour cheminer. Faites-vous-en cadeau, si le fardeau du passé tend à vous triturer. Vos enfants ne peuvent qu’en bénéficier.