Il fut un temps où l’on entendait le lait mousser, les coupes s’entrechoquer, la maison doucement craquer. Nos oreilles ne connaissaient que douceur et subtilité. Trois enfants plus tard, les cris et rires fusent et se diffusent dans toute la maisonnée, enterrant le tic-tac de l’horloge, noyant toute notion du temps. C’est à la fois une grande joie et un grand irritant, pour notre minuscule tympan.

Tout récemment, c’est notre petite dernière, affligée de grandes coliques, qui assourdit notre pauvre organe cochléaire. Et c’est un véritable calvaire. Forts de notre expérience, nous avons développé des trucs et tactiques pour survivre aux heures de pleurs. J’ai donc pensé vous partager quelques éléments. D’un parent à un autre; j’espère que vous y trouverez un baume ou une solution, pour cette passagère et bien involontaire situation.

(NB: ici, les propositions avancées impliquent que bébé est en bonne santé, que toutes causes médicales de coliques ont été exclues ou évaluées et que seulement des interventions de réconfort sont nécessaires).

1. Règle numéro un: respecter sa limite

Si votre fatigue atteint un niveau maximal, rendez bébé à l’autre adulte de la maisonnée. Alternez aux 2, 5,10 ou 15 minutes, selon votre seuil de tolérance, un peu comme lors d’un entraînement sportif. On ne fait pas 2 heures d’abdominaux consécutifs sans répit, n’est-ce pas? On fait des séries. On collationne. On met de la musique qui nourrit l’âme. On sort prendre l’air. On reprend la série. Et surtout, on donne une bonne tape sur l’épaule du parent à remplacer; comme aux Jeux olympiques, en course à relais. La valorisation est capitale. Nul besoin de montre ; le seuil de tolérance varie d’un soir à l’autre, d’un parent à l’autre. On se félicite l’un et l’autre, quel que soit le temps accordé à la gestion des pleurs.

2. On varie les mouvements, question de changer le mal de place et de ne pas endolorir les mêmes structures

Vous vous êtes déjà tenus à bout de bras à une barre métallique, au parc? Qu’arrive-t-il quand la limite musculo-squelettique est atteinte? On se blesse. On tombe. On se fragilise du moins. Notre position préférée: la position anticolique, bien entendu, qui est nettement plus efficace quand on se tient debout avec bébé. Une variante qui adoucit l’esprit : adopter la position à même un ballon d’exercice. On fait de doux rebonds, question d’être enfin assis. On met bébé dos à la télé. Lumières éteintes ou tamisées. On allume une émission plaisante, avec sous-titres. Et on laisse le temps s’écouler plus agréablement.

Quelle que soit la position - dans la chaise berçante, en mode marche nocturne autour de l’îlot de cuisine, bébé droit, bébé allongé, bébé à l’épaule, bébé sur genoux - on fait des tests, on respecte son corps et ses limites physiques.

3. On écoute ses besoins

Vous avez envie? Vous avez faim? Vous avez soif ou besoin d’air? Déposez bébé dans un endroit sécuritaire. Prenez deux minutes de votre temps pour assouvir vos besoins, quels qu’ils soient. Un parent à l’écoute de son corps est clairement plus patient, énergisé et fonctionnel. Un humain qui s’écoute, se respecte. Si bébé pleure 3 heures par jour, mathématiquement, prendre 2 minutes pour vous, c’est vous accorder 1.1% du temps. Alors, soyez indulgents envers vous-mêmes!

4. Les cycles

Bébé pleure en boucle? C’est épuisant, j’en conviens. On en perd carrément son latin. J’utilise donc la technique « reboot le bébé », qui consiste à répéter certaines choses qui rendent bébé mieux.

- Changer la couche
- Offrir du lait
- Emmailloter bébé

Vous l’avez fait il y a dix minutes ?
Recommencez !

Quelques additions agréables :

- Utiliser des lingettes ou débarbouillettes chaudes pour nettoyer la zone de couche
- Mettre une couverture à la sécheuse pour ensuite emmailloter bébé avec
- Mettre de la musique douce en trame de fond
- Changer de pièce pour oublier les pleurs cumulés dans la précédente

5. La Gestion des bruits ambiants

Idéalement, choisissez une pièce à l’écart du brouhaha. Les bébés fatigués pleurent davantage si leur fratrie fait un concert de cris à proximité. Inversement, l’autre adulte appelé à relayer doit s’écarter des décibels débilitants pour s’accorder une réelle pause mentale et recharger ses batteries morales. Les autres membres de la famille bénéficient aussi d’un répit auditif. Alors si l’habitat le permet, contenez les pleurs dans une pièce isolée ou sortez bébé à l’extérieur, si la météo est clémente.

Parallèlement, certains bébés apprécient les bruits blancs. Chez nous, le son de la hotte de four ou de la sécheuse ont toujours été gagnants. Un ventilateur, un séchoir à cheveux ou le son de la douche qui coule peuvent aussi être apaisants. Trouvez la sonorité qui s’accorde bien avec vous et votre strident mignon.

6. Le pouvoir de l’eau

Nous avons constaté, trois en trois, que nos cocos écourtaient leur séance de pleurs lorsqu’on leur donnait le bain. Même en grande crise, l’eau finit par réconforter. Nul besoin de savonner. On emmaillote dans une belle couverture à la sortie du bain, on tarde à rhabiller bébé. Au diable les dégâts. La nudité est parfois bien plus agréable pour votre nouveau-né. Une variante ? Prendre une douche avec votre poupon. Et si vous êtes maman et allaitez; vous constaterez que le contact peau à peau, sous l’eau, génère un boire rempli de tendresse.

7. Les systèmes de portage

On ne le dira jamais assez; un bébé en peau à peau est grandement conforté. Alors, dotez-vous idéalement d’un système pour soulager vos bras. Qu’il s’agisse d’un chandail de portage, d’un sac ou d’une écharpe adaptée; vous en bénéficierez.
Certains bébés préfèrent la poussette, d’autres le balancement dans une coquille de transport. Plusieurs nourrissons se calment en voiture, à condition que le parent soit conditionné pour la conduite automobile. Une carte-cadeau café jumelée au service à l’auto sera un atout ou une véritable bénédiction!

Vous pouvez également opter pour une balançoire à bébé, une chaise vibrante ou un quelconque gadget approuvé pour déposer votre nourrisson. Le but ultime : varier les mouvements et s’accorder un répit musculaire. Il n’y a pas qu’une solution… et il n’y a pas deux nourrissons parfaitement identiques! Soyez créatifs!

8. Rappelez-vous que tout est passager

Bien que ces heures de pleurs soient interminables à vos sens épuisés, tout finit par passer. Une maman de quatre, bien expérimentée, m’a dit un jour : « prends un selfie de bébé et toi, au moment où tu sens que ta journée n’a plus de fin, que ton estomac crie famine, que tes cheveux imitent ceux d’un robineux et que tes membres implosent d’acide lactique. Conserve-la précieusement et lorsque ton enfant grandira, non seulement tu auras oublié ta souffrance, mais tu regretteras ces moments de tendresse, où ta présence était réconfortante, tendre et vitale. »

Après trois enfants, j’admets accueillir plus doucement les soirs et nuits de pleurs et d’horreur. Ma sage amie n’avait pas tort. Ça finit par finir, réellement. Ça ne rend pas le moment présent plus facile, mais ça aide à relativiser et moins errer dans le profond découragement. La souffrance s’oublie, petit à petit. Tellement, qu’on en fait fi, en procréant à nouveau ou en regardant notre album photo.