On vous recommande de lire la première partie de ce témoignage avant de poursuivre votre lecture: Mon chum a le cancer : C’est quoi les chances?

« Voir le beau côté des choses », « voir le positif dans chaque situation », « apprendre de chaque épreuve », ces phrases, on les entend souvent. Et bien que je sois une personne fondamentalement positive dans la vie, après avoir reçu le diagnostic de cancer de mon chum, cette façon positive d’aborder la vie m’a paru futile. Comme écrite et dite par des gens qui n’ont jamais eu de « vraies » grosses épreuves dans leur vie. Sur le moment, notre épreuve m’a semblée la pire de toutes. La plus tragique, triste, injuste, laide. Dans le tourment de l’annonce et du choc, il n’y a que du laid. On se sent seul au monde, on s’imagine que les autres ne peuvent pas comprendre ce que ça fait de vivre un tel drame.

Mon chum, l’amour de ma vie, mon meilleur ami, va mourir d’ici 1 an ou 2 si on est « chanceux ». Notre famille avec Petit Poulet n’existera plus. Nos projets de vie, de couple, de famille se sont volatilisés. Petit Poulet qui n’a pas encore 5 ans, vivra la perte de son papa adoré, elle devra vivre sans cette personne qui l’aime tant. Son enfance et sa vie seront bouleversées à jamais. Son papa sera absent de tous les événements importants de son adolescence et de sa vie adulte. Elle ne connaîtra pas, enfin pas comme nous, l’homme aimant, généreux, drôle, spontané, attentionné, travaillant et courageux qu’il est. De mon côté, je perdrai un de mes repères les plus solides. L’homme que j’ai longtemps espéré rencontrer, mon complice, celui qui sait si bien me faire éclater de rire, qui sait si bien me consoler dans ses bras. Sur le coup, on annule nos projets de maison, de bébé, de voyages, de vie quoi. Et je ne parle pas ici de la famille de mon chum, ses amis, ses collègues qui seront aussi privés de sa présence. Sur le moment donc, on est seul, dévasté et on vit LE plus gros drame de tous. Le positivisme prend le bord en titi.

Et puis le choc s’estompe un peu, juste assez pour laisser entrer du beau dans nos vies. Parce que oui, à ma grande surprise, il y a du beau dans le laid qu’on vit. Du très beau même. On est loin d’être seuls. Partout autour de nous, les gens ont vécu ou vivent des épreuves. Et chacun à leur façon, ils nous apportent de l’amour, du support, de la joie, de la légèreté. Jamais on ne s’est sentis aussi aimés, supportés et proches des gens qu’on aime. On n’avait malheureusement pas réalisé à quel point nos proches (et moins proches) sont aussi généreux et dévoués. Même chose du côté des professionnels de la santé qui nous accompagnent au CUSM. On est réellement choyés, au fond. Par les messages de support et d’amour, par le temps que les gens nous offrent (des plats faits maison, de l’aide pour le ménage, du temps pour qu’on décompresse) ou encore par leur générosité financière. Le cancer, c’est une maladie de riche, ça coûte cher. On a donc appris à accepter, avec beaucoup de vulnérabilité et infiniment de gratitude, à accepter l’aide des autres.

Cette épreuve a aussi changé notre perception du temps, pour le mieux, je pense. Ça aussi, je trouve ça super beau. « Vivre le moment présent », « profiter des petites joies du quotidien », d’autres phrases si souvent entendues dont je n’avais pas compris la portée et la puissance avant cette épreuve. Pour la première fois de nos vies, on ressent réellement et profondément ce que c’est de vivre le moment présent. Savourer le goût et la texture de notre cortado dans un petit café de Pointe-Claire avant un rendez-vous à l’hôpital, écouter le chant des oiseaux, sentir le soleil sur nos visages. Sentir les cheveux de Petit Poulet pendant un long câlin, chanter et danser avec elle comme si on avait aussi 4 ans, sans penser à rien d’autre. Écouter un magnifique podcast dans le lit, collés, partager et apprécier ce moment à deux.

Le temps nous manque, mais paradoxalement, on a amené un peu plus de lenteur dans notre quotidien. Ce n’est pas tout le temps possible, et parfois on reprend un mauvais pli de vouloir tout faire tout de suite « au cas où », parce qu’on va manquer de temps, parce qu’en s’étourdissant, on pense moins au laid. Mais de plus en plus, on arrive à ralentir, à exprimer et assumer nos limites, à demander et à accepter de l’aide. Et on rit aussi. Encore et souvent. Pour nous c’est primordial, c’est même un besoin!

Le 15 décembre dernier, la mort s’est en quelque sorte pointé le bout du nez chez nous, mais au final, la vie continue, la vie prend encore le dessus, les projets renaissent. Avec un peu de recul, je pense qu’on peut donc vivre des moments parfaits et qu’il y a réellement du positif qui ressort des épreuves. Il y a beaucoup de beau dans le laid ♥