Dans ma famille, on a le sourire facile, le pli dodu et le pancréas paresseux. De petits grassouillets sucrés, voilà ce que nous sommes. La gourmandise mixée à la sédentarité, en veux-tu en voilà! 

Des échalotes qui mangent cinq repas par jour, j’en connais! Moi, je suis plus le genre à prendre 5 livres, rien qu'à la vue d’un dessert. À la puberté, les livres ont commencé à s’accumuler insidieusement, à coup de quelques-unes par année. Les partys de fête, les soirées arrosées, les vacances pleines de soupers au resto ajoutaient tranquillement une petite couche d’amour adipeux qui prenait sa place par-dessus la précédente.

Je me suis réveillée dans la mi-vingtaine avec un surplus de poids considérable et une claque au visage de mon médecin : prédiabète. Pas encore inquiétant, mais il fallait agir. Mon corps, que j’avais un peu négligé en le bourrant de choux à la crème et de bons romans et en négligeant la luzerne et la course à pied, me lançait un message.

L'exercice et moi, avant la petite claque au visage
Crédit : Giphy

J’ai donc commencé à surveiller ce que je mangeais et à prendre de la metformine (antidiabétique oral), d'une part pour me donner un coup de main, d'autre part pour aider à régulariser mes règles qui se foutaient complètement de toute forme de calendrier.

En faisant quelques changements mineurs dans mon alimentation, en bougeant un peu plus, j’ai commencé à perdre bien tranquillement la couche accumulée, tranche par tranche. Tellement que mon médecin m’a dit un beau matin que tout était normal, que mon sucre était beau, que je n’étais plus prédiabétique. Victoire! Mais il y avait un mais… « Quand tu tomberas enceinte, attends-toi à faire du diabète de grossesse. Tu as le pancréas paresseux. » Bah. C’était loin encore.

Puis, les années ont passé et le « loin » est devenu « maintenant ». J’étais enceinte. Avec mon historique, on m’a prescrit le test de dépistage précoce, qui s’est avéré positif. J’en étais à 13 semaines et les hormones avaient déjà tué le peu de motivation de mon organe rebelle.

Premier rendez-vous en GARE. Je sens le poids du regard de l’infirmière et de la nutritionniste. J’ai l’impression qu’elles me jugent. « Hey, si t’étais moins grosse, t’en serais pas là. » Ce corps qui est le mien et avec lequel j’avais enfin fait la paix ces dernières années, ce corps rond, généreux, peut-être même sexy, oui, il peut monter des escaliers, oui, il peut même gravir cette montagne. En soufflant un peu, mais quand même…

La première nutritionniste que j’ai rencontrée a anéanti en quelques instants toute la belle estime que j'avais de moi et que je m’étais tranquillement construite à travers les années. Elle me parlait comme si j’étais une enfant, comme si je connaissais trois groupes alimentaires : les hot dogs, les Joe Louis et les poutines.

T'sais, un visage accueillant et une attitude empathique...
Crédit : Giphy

Je suis sortie de l’hôpital en sanglotant et en maudissant mon corps. J’avais l’impression qu’il prenait sa revanche, qu’il me punissait de ne pas être une marathonienne. Je maudissais aussi la génétique qui m’avait donné une tolérance de merde au sucre. Je jalousais toutes ces filles plus dodues que moi dont le pancréas fonctionnait à merveille.

J’ai décidé que je n’allais pas laisser ce petit organe et mes hormones en délire remporter la bataille si facilement. J’ai marché, marché encore, fait de l’elliptique presque tous les jours de ma grossesse. J’étais plus en forme que jamais. Mon visage amincissait et les compliments pleuvaient. Quand on a toujours été dodue, se faire dire « ah tu as perdu du poids, ça te fait bien! », c’est un compliment gentil mais chiant à la fois. Comme si la beauté et le surplus de poids étaient deux choses incompatibles.

Ça me faisait plaisir, mais ça me faisait de la peine en même temps, parce que je me trouvais plus grosse que jamais. Pas à cause de ma bedaine pleine de vie, mais à cause de mes veines pleines de sirop d’érable. À cause de ce diabète de grossesse qui me pourrissait un peu la vie et qui gâchait un peu ma grossesse. Après avoir accouché, je pesais 30 livres de moins qu’avant de tomber enceinte. Mais j’aurais bien troqué ces 30 livres contre une grossesse moins stressante et une estime de moi moins amochée.

Ah, si j’étais moins grosse…