En 2014, je suis tombée enceinte de Bout d’Chou, mon deuxième bébé. Mon dernier bébé.
Mon dernier bébé, il l’a toujours été. Avant même sa naissance, avant même sa conception, avant même l’apparition de la petite ligne rose sur le test de grossesse un après-midi de septembre. Avant même que l’on commence à essayer, celle-là allait être ma dernière grossesse. Pour une dernière fois, une vie dans ma bedaine; les bulles dans le bas-ventre, les sursauts des hoquets, le petit coeur qui bat comme un train dans le doppler. Dès le départ, ça allait être le dernier accouchement et le dernier retour à la maison, triomphal et échevelé, avec un nouveau-né à l’arrière de la voiture.
Ça a toujours été la fin du chapitre.
Chaque nuit blanche, chaque poussée dentaire et chaque changement de couche m’amenait un peu plus près, pour de bon, de la conclusion de ce prélude. Introduction des solides, propreté, intégration à la garderie : chaque grande étape prenait des allures de compte à rebours. Un dernier tour de piste — calculé, choisi, préparé. Ensuite, je n’aurais plus de bébé. Plus jamais.
Deux enfants : c’était le plan. Ça l’a toujours été. Et je ne veux pas de troisième bébé. Vraiment. Je suis bien maintenant que je dors la nuit et que je n’ai plus de fesses à essuyer. J’aime ça, regarder les gars grandir, devenir complices, développer des amitiés, découvrir des passions. C’est un autre chapitre qui commence et je suis impatiente de voir où il m’amènera.
Non, je ne veux pas de troisième bébé. Pour vrai. Mais des fois, il y a une bedaine dans l’autobus, un poupon à l’épicerie, des cache-couches dans une vitrine. Et là, j’ai la conviction qui vacille. Le coeur qui tangue. Et j’oublie.
J’oublie les régurgits, les coliques, les ruses inutiles pour endormir bébé. J’oublie les trois brassées de couches par semaine, les pipis-pompiers et les bras devenus lourds et douloureux à force d’être réclamés. J’oublie la fausse gloire de l’allaitement, avec ses fuites inopinées et son asymétrie quotidienne. J’oublie les sorties à fitter dans l’horaire de bébé, les siestes gâchées par quelques secondes de demi-sommeil dans l’auto et la fatigue — oh, surtout l’écrasante et sourde fatigue.
J’oublie tout ça et je ne me souviens que de mes grossesses parfaites, faciles, sans symptômes, de mes accouchements-éclair sans difficulté ni complication, et de mes allaitements sans histoire. Que du temps passé collés-collés, de la symbiose, de l’amour qui déborde et de toutes ces premières fois qui coupent le souffle : le premier sourire, les premiers pas, le premier « maman ». C’est tellement beau, la vie avec un bébé; toujours humide, un peu collant aussi, mais beau et précieux.
Mais je n’en veux pas, de troisième bébé. C’est vrai, ça a toujours été vrai.
C’est juste que parfois, j’oublie.